Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/252

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

MM. de Saint-Sauveur, de Saint-George, de Mezière, aides-maréchaux des logis, sont tous blessés. Le comte de Longaunai, aide-major général, est tué. Ce fut dans ces attaques que le chevalier d’Aché, lieutenant général, eut le pied fracassé. Il vint ensuite rendre compte au roi, et lui parla longtemps sans donner le moindre signe des douleurs qu’il ressentait, jusqu’à ce qu’enfin il tomba évanoui.

Plus la colonne anglaise avançait, plus elle devenait profonde et en état de réparer les pertes continuelles que lui causaient tant d’attaques réitérées. Elle marchait toujours serrée au travers des morts et des blessés des deux partis, et paraissait former un seul corps d’environ quatorze mille hommes.

Un très-gand nombre de cavaliers furent poussés en désordre jusqu’à l’endroit où était le roi avec son fils. Ces deux princes[1] furent séparés par la foule des fuyards qui se précipitaient entre eux. Pendant ce désordre, les brigades des gardes du corps qui étaient en réserve s’avancèrent d’elles-mêmes aux ennemis. Les chevaliers de Suzy et de Saumery y furent blessés à mort. Quatre escadrons de la gendarmerie arrivaient presque en ce moment de Douai, et, malgré la fatigue d’une marche de sept lieues, ils coururent aux ennemis. Tous ces corps furent reçus comme les autres, avec cette même intrépidité et ce même feu roulant. Le jeune comte de Chévrier, guidon, fut tué. C’était le jour même qu’il avait été reçu à sa troupe. Le chevalier de Monaco, fils du duc de Valentinois, y eut la jambe percée. M. du Guesclin reçut une blessure dangereuse. Les carabiniers donnèrent ; ils eurent six officiers renversés morts, et vingt et un de blessés.

Le maréchal de Saxe, dans le dernier épuisement, était toujours à cheval, se promenant au pas au milieu du feu. Il passa sous le front de la colonne anglaise pour voir tout de ses yeux, auprès du bois de Barri, vers la gauche. On y faisait les mêmes manœuvres qu’à la droite. On tâchait en vain d’ébranler cette colonne. Les régiments se présentaient les uns après les autres, et la masse anglaise, faisant face de tous côtés, plaçant à propos son canon, et tirant toujours par division, nourrissait ce feu continu quand elle était attaquée ; et, après l’attaque, elle restait immobile et ne tirait plus. Quelques régiments d’infanterie vinrent encore affronter cette colonne par les ordres seuls de leurs com-

  1. Frédéric le Grand, dans le chapitre xi de l’Histoire de mon temps, dit : « On les avait placés auprès d’un moulin à vent qui était en arrière : depuis, les soldats français n’appelaient leur roi que Louis du moulin. »