Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome15.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Tournai. De là il alla reconnaître le terrain qui devait servir de champ de bataille. Toute l’armée, en voyant le roi et le dauphin, fit entendre des acclamations de joie. Les alliés passèrent le 10 et la nuit du 11 à faire leurs dernières dispositions. Jamais le roi ne marqua plus de gaieté que la veille du combat. La conversation roula sur les batailles où les rois s’étaient trouvés en personne. Le roi dit que, depuis la bataille de Poitiers, aucun roi de France n’avait combattu avec son fils, et qu’aucun, depuis saint Louis, n’avait gagné de victoire signalée contre les Anglais : qu’il espérait être le premier. Il fut éveillé le premier le jour de l’action ; il éveilla lui-même à quatre heures le comte d’Argenson, ministre de la guerre, qui, dans l’instant, envoya demander au maréchal de Saxe ses derniers ordres. On trouva le maréchal dans une voiture d’osier qui lui servait de lit, et dans laquelle il se faisait traîner quand ses forces, épuisées, ne lui permettaient plus d’être à cheval. Le roi et son fils avaient déjà passé un pont sur l’Escaut à Calonne ; ils allèrent prendre leur poste par delà la Justice de Notre-Dame-aux-Bois, à mille toises de ce pont, et précisément à l’entrée du champ de bataille.

La suite du roi et du dauphin, qui composait une troupe nombreuse, était suivie d’une foule de personnes de toute espèce qu’attirait cette journée, et dont quelques-uns même étaient montés sur des arbres pour voir le spectacle d’une bataille[1].

En jetant les yeux sur les cartes, qui sont fort communes, on voit d’un coup d’œil la disposition des deux armées. On remarque Anthoin assez près de l’Escaut, à la droite de l’armée française, à neuf cents toises de ce pont de Calonne, par où le roi et le dauphin s’étaient avancés ; le village de Fontenoy par delà Anthoin, presque sur la même ligne ; un espace étroit de quatre cent cinquante toises de large entre Fontenoy et un petit bois qu’on appelle le bois de Barri. Ce bois, ces villages, étaient garnis de canons comme un camp retranché. Le maréchal de Saxe avait établi des redoutes entre Anthoin et Fontenoy ; d’autres redoutes aux extrémités du bois de Barri fortifiaient cette enceinte. Le champ de bataille n’avait pas plus de cinq cents toises de longueur depuis l’endroit où était le roi, auprès de Fontenoy, jusqu’à ce bois de Barri, et n’avait guère plus de neuf cents toises de large ; de sorte que l’on allait combattre en champ clos, comme à Dettingen, mais dans une journée plus mémorable.

  1. Voltaire signale encore ce fait, dans le Dictionnaire philosophique, à l’article Curiosité.