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étaient entrés dans Velletri au milieu de la nuit. La grand’garde était égorgée ; on tuait ce qui se défendait ; on faisait prisonnier ce qui ne se défendait pas. L’alarme et la consternation étaient partout. Le roi de Naples, le duc de Modène, allaient être pris. Le marquis de L’Hospital, ambassadeur de France à Naples, qui avait accompagné le roi, s’éveille au bruit (la nuit du 10 au 11 d’auguste), court au roi, et le sauve. À peine le marquis de L’Hospital était-il sorti de sa maison pour aller au roi qu’elle est remplie d’ennemis, pillée, et saccagée. Le roi, suivi du duc de Modène et de l’ambassadeur, va se mettre à la tête de ses troupes hors de la ville. Les Autrichiens se répandent dans les maisons. Le général Novati entre dans celle du duc de Modène.

Tandis que ceux qui pillaient les maisons jouissaient avec sécurité de la victoire, il arrivait la même chose qu’à Crémone. Les gardes vallonnes, un régiment irlandais, des Suisses, repoussaient les Autrichiens, jonchaient les rues de morts, et reprenaient la ville. Peu de jours après, le prince de Lobkovitz est obligé de se retirer vers Rome. (2 novembre 1744) Le roi de Naples le poursuit ; le premier était vers une porte de la ville, le second vers l’autre ; ils passent tous deux le Tibre, et le peuple romain, du haut des remparts, avait le spectacle des deux armées. Le roi, sous le nom du comte de Pouzzoles, fut reçu dans Rome. Ses gardes avaient l’épée à la main dans les rues, tandis que leur maître baisait les pieds du pape[1] ; et les deux armées continuèrent la guerre sur le territoire de Rome, qui remerciait le ciel de ne voir le ravage que dans ses campagnes.

On voit au reste que d’abord l’Italie était le grand point de vue de la cour d’Espagne, que l’Allemagne était l’objet le plus délicat de la conduite de la cour de France, et que des deux côtés le succès était encore très-incertain.

  1. Il ne baisa point les pieds du pape : il fut convenu que le prince lui ferait une inclination profonde ; que le pape, la prenant pour une génuflexion, s’empresserait de le relever et de l’embrasser. C’est ce qui fut exécuté ; mais le cardinal qui avait réglé ce cérémonial, craignant les reproches de ses confrères, inséra dans le procès-verbal de cette visite que le roi s’était prosterné, etc. (K.)