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La maison du roi à cheval, les carabiniers, enfoncèrent d’abord par leur impétuosité deux lignes entières d’infanterie ; mais ces lignes se reformèrent dans le moment, et enveloppèrent les Français. Les officiers du régiment des gardes marchèrent hardiment à la tête d’un corps assez faible d’infanterie ; vingt et un de ces officiers furent tués sur la place, autant furent dangereusement blessés. Le régiment des gardes fut mis dans une déroute entière.

Le duc de Chartres, depuis duc d’Orléans[1], le prince de Clermont, le comte d’Eu, le duc de Penthièvre, malgré sa grande jeunesse, faisaient des efforts pour arrêter le désordre. Le comte de Noailles eut deux chevaux de tués sous lui. Son frère le duc d’Aven fut renversé.

Le marquis de Puységur, fils du maréchal de ce nom, parlait aux soldats de son régiment, courait après eux, ralliait ce qu’il pouvait, et en tua de sa main quelques-uns qui ne voulaient plus suivre, et qui criaient : Sauve qui peut[2]. Les princes et les ducs de Biron, de Luxembourg, de Richelieu, de Péquigny-Chevreuse, se mettaient à la tête des brigades qu’ils rencontraient, et s’enfoncèrent dans les lignes des ennemis.

D’un autre côté la maison du roi et les carabiniers ne se rebutaient point. On voyait ici une troupe de gendarmes, là une compagnie des gardes, cent mousquetaires dans un autre endroit, des compagnies de cavalerie s’avançant avec des chevau-légers ; d’autres qui suivaient les carabiniers ou les grenadiers à cheval, et qui couraient aux Anglais le sabre à la main avec plus de bravoure que d’ordre. Il y en avait si peu qu’environ cinquante mousquetaires, emportés par leur courage, pénétrèrent dans le régiment de cavalerie du lord Stair. Vingt-sept officiers de la maison du roi à cheval périrent dans cette confusion, et soixante-six furent blessés dangereusement. Le comte d’Eu, le comte d’Harcourt, le comte de Beuvron, le duc de Boufflers, furent blessés ; le comte de La Mothe-Houdancourt, chevalier d’honneur de la reine, eut son cheval tué, fut foulé longtemps aux pieds des chevaux, et remporté presque mort. Le marquis de Gontaut eut le bras cassé ; le duc de Rochechouart, premier gentilhomme de la chambre, ayant été blessé deux fois, et combattant encore, fut tué sur la place. Les marquis de Sabran, de Fleury, le comte d’Estrades, le comte de Rostaing, y laissèrent la vie. Parmi les

  1. Louis-Philippe, né en 1725, mort en 1785, aïeul du roi Louis-Philippe Ier. (B.)
  2. C’étaient de jeunes milices amenées de la veille à l’armée. Les gardes françaises se débandèrent aussi. (G. A)