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CHAPITRE VII.

DÉSASTRES RAPIDES QUI SUIVENT LES SUCCÈS DE L’EMPEREUR CHARLES-ALBERT DE BAVIÈRE


On commençait à sentir la faute qu’on avait faite de n’avoir pas assez de cavalerie. Le maréchal de Belle-Isle était malade à Francfort, et voulait à la fois conduire des négociations et commander de loin une armée. La mésintelligence se glissait entre les puissances alliées ; les Saxons se plaignaient beaucoup des Prussiens, et ceux-ci des Français, qui à leur tour les accusaient. Marie-Thérèse était soutenue de sa fermeté, de l’argent de l’Angleterre, de celui de la Hollande et de Venise, d’emprunts en Flandre ; mais surtout de l’ardeur désespérée de ses troupes rassemblées enfin de toutes parts. L’armée française, sous des chefs peu accrédités, se détruisait par les fatigues, la maladie et la désertion ; les recrues venaient difficilement. Il n’en était pas comme des armées de Gustave-Adolphe, qui, ayant commencé ses campagnes en Allemagne avec moins de dix mille hommes, se trouvait à la tête de trente mille, augmentant ses troupes dans le pays même à mesure qu’il y faisait des progrès. Chaque jour affaiblissait les Français vainqueurs, et fortifiait les Autrichiens. Le prince Charles de Lorraine, frère du grand-duc, était dans le milieu de la Bohême avec trente-cinq mille hommes : tous les habitants étaient pour lui ; il commençait à faire avec succès une guerre défensive, en tenant continuellement son ennemi en alarmes, en coupant ses convois, en le harcelant sans relâche de tous les côtés par des nuées de houssards, de croates, de pandours et de talpaches. Les pandours sont des Sclavons qui habitent le bord de la Drave et de la Save : ils ont un habit long ; ils portent plusieurs pistolets à la ceinture, un sabre et un poignard. Les talpaches sont une infanterie hongroise armée d’un fusil, de deux pistolets et d’un sabre. Les croates, appelés en France cravates, sont des miliciens de Croatie, Les houssards sont des cavaliers hongrois, montés sur de petits chevaux légers et infatigables : ils désolent des troupes dispersées en trop de postes et peu pourvues de cavalerie. Les troupes de France et de Bavière étaient partout dans ce cas. L’empereur Charles VII avait voulu conserver avec peu de monde une vaste étendue de terrain, qu’on ne croyait pas