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AVERTISSEMENT DE BEUCHOT.

Chapelle, et les cahiers soustraits ne venaient que jusqu’à la bataille de Fontenoi[1]. Il promettait de le publier un jour[2] tel qu’il l’avait composé. Cependant, à cette époque, il avait déjà commencé le Précis du Siècle de Louis XV, dans lequel il avait à parler des événements qui sont le sujet des manuscrits dérobés. Colini[3] raconte que le Précis du Siècle de Louis XV fut commencé à Berlin en 1752.

Le même Colini donne le titre de Campagnes de Louis XV à l’ouvrage qui, dans l’imprimé, est intitulé Histoire de la guerre de 1741.

C’était une généreuse indignation qui avait fait abandonner son travail à Voltaire. Une des clauses du traité de paix de 1748 portait que la cour de France ne permettrait pas au jeune prétendant de séjourner dans le royaume. Charles-Édouard, que cette clause révoltait, refusa de s’y soumettre, et continua de rester à Paris. Un jour qu’il était allé à l’Opéra, en 1749, la police fit arrêter le prince qui, comme Louis XV, était descendant de Henri IV, et à un plus proche degré. Un nommé Desforges, celui-là même qui avait publié, en 1748, la Lettre critique sur la tragédie de Sémiramis, fit alors circuler ce distique :

Peuple jadis si fier, aujourd’hui si servile,
Des princes malheureux vous n’êtes plus l’asile.


Ces deux vers coûtèrent cher à leur auteur, qui fut envoyé au mont Saint-Michel où il resta trois ans dans un cachot appelé la Cage. Voltaire fut moins imprudent, mais il ne ressentit pas moins vivement la lâcheté du roi de France. Il était à Lunéville lorsqu’il apprit comment avait été traité le prince Édouard, et de dépit il renonça à continuer l’histoire de Louis XV. Cette particularité injurieuse pour le monarque, mais honorable pour l’écrivain, est restée longtemps inconnue, et n’a été révélée qu’en 1826 par la publication des Mémoires de Longchamp, dont j’ai rapporté les paroles dans une note, à la fin du chapitre XXV.

J’ai déjà dit[4] qu’en 1763, dans le tome VIII de l’édition de l’Essai sur l’Histoire générale (aujourd’hui Essai sur les Mœurs), dix-huit chapitres furent ajoutés au Siècle de Louis XIV, qui étaient consacrés aux événements postérieurs à la mort de Louis XIV. Dans quatre de ces chapitres (les XLVIIe, XLVIIIe, XLIXe et Le) on retrouve textuellement des passages plus ou moins longs des chapitres II, III et IV de la première partie de l’Histoire de la guerre de mil sept cent quarante et un, et des Additions qui sont à la fin de la seconde partie[5].

  1. Lettre à l’Académie française, du 21 décembre 1755. Dans une note, à la fin du chapitre XXV, page 300, Voltaire parle encore du vol de ses manuscrits.
  2. Lettre à Richelieu, du 27 septembre 1755.
  3. Mon Séjour auprès de Voltaire, page 30.
  4. Avertissement de Beuchot, en tête de l’Essai sur les Mœurs et l’Esprit des nations.
  5. Les chapitres XLIII-XLVIII de 1763 sont aujourd’hui, sauf variantes, les chapitres I-VI du Précis. Une partie du chapitre XLIX est devenue le chapitre VII ;