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SUPPLÉMENT AU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

La Beaumelle) ? et ensuite qu’un autre prince[1] fit assassiner Vergier ; que ce fut un officier qui fit le coup, et qui en eut la croix de Saint Louis pour récompense ? Où a-t-il pris ces blasphèmes, qu’il débite avec autant d’ignorance que de rage, et qui font rougir ceux qui s’avilissent jusqu’à le confondre ? Le burlesque se joint ici à l’horreur. Qui croirait qu’à propos de l’endroit où il est dit que, dans la société, la bonté de Marie-Thérèse faisait son seul mérite, ce grave commentateur, qui insulte tous les princes, met en note : « Parlez des princes avec plus de respect. — Parlez des choses saintes avec respect, » dit-il ailleurs, dans une autre note. Et quel est cet homme qui donne ainsi des leçons de religion sur un livre où les choses les plus délicates sont traitées avec la circonspection la plus sévère ? C’est celui-là même qui, dans ses commentaires sur ce livre, ose imprimer, à la page 148 du tome troisième, que la guerre qu’on fit aux fanatiques des Cévennes « n’est convenable qu’à des sauvages et à des chrétiens » ; c’est celui-là même qui, pour remarque presque unique sur le chapitre du Jansénisme, dit que « ce chapitre doit plaire aux sages, et déplaire aux orthodoxes[2] ».

Quel peut avoir été le but de cet écervelé, qui, pour un peu d’argent, a vendu ces infamies à un libraire de Francfort ? Ce n’est pas certainement l’envie d’éclairer le public par ses lumières ; ce n’est pas le soin d’approfondir, par des remarques utiles, les faits énoncés dans l’ouvrage utile de M. de Voltaire. Qu’a-t-il donc voulu ? Lui nuire, le décrier, insulter à tort et à travers les rois et les particuliers, et trouver le secret de se faire lire, à force d’insolence et d’outrages. Il s’est flatté d’être lu à Berlin, parce qu’il nomme injurieusement, dans cette édition, MM. d’Argens, Polnitz[3], Algarotti, Darget, et Francheville ; il s’est flatté d’être lu par tous ceux qui connaissent le Siècle de Louis XIV, parce qu’il vomit contre l’auteur les plus scandaleuses injures, il a trouvé des lecteurs sans doute ; quelque fautive même que soit son édition, quelque mal imprimée qu’elle soit, on a voulu la voir, comme on veut voir un monstre qu’on regarde un moment par

  1. Le prince de Condé ; voyez tome XIV, page 142. Au reste, Voltaire lui-même dit que l’accusation contre le prince de Condé était le cri de tout Paris ; voyez à la suite de l’Essai sur les Guerres civiles, tome VIII, page 284, le second alinéa de la Dissertation sur la mort de Henri IV.
  2. À propos de ces remarques, La Beaumelle dit qu’il n’en répond pas, puisqu’elles sont dans les tomes II et III, et qu’il n’a commenté que le tome Ier. (G-A.)
  3. Mort en 1775 ; voyez, dans la Correspondance, la lettre du roi de Prusse du 13 auguste 1775.