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PREMIÈRE PARTIE.

prince de Vendôme ; mais ce n’est pas à vous à le dire. C’est ainsi que pourrait s’exprimer un homme qui les aurait longtemps approchés ; mais vous n’avez pas plus de droit de confirmer mon témoignage que de le nier.

33° Apprenez que c’est dans les Mémoires manuscrits du marquis de Dangeau que se trouvent ces paroles de Louis XIV sur le maréchal de Villeroi : « On se déchaîne contre lui parce qu’il est mon favori. » Ce n’est pas assez que je les aie lues dans ces Mémoires pour les rapporter ; elles m’ont été confirmées par d’autres personnes, et surtout par le cardinal de Fleury. Ce n’est que sur plusieurs témoignages unanimes qu’il est permis d’écrire l’histoire. Le rapport d’un témoin considérable donne de la probabilité, le rapport de plusieurs peut faire la certitude historique, et la négation de La Beaumelle fait une impertinence.

34° Apprenez que Saint-Olon, gentilhomme ordinaire du roi, envoyé à Fez et à Gênes, n’était et ne pouvait être un secrétaire d’ambassade. Sachez qu’il n’y a point chez les ministres de France de secrétaire d’ambassade proprement dit, comme il se pratique ailleurs, mais des secrétaires d’ambassadeurs, choisis et payés par l’ambassadeur même. Sachez que le roi de France n’envoie jamais d’ambassadeur à Gênes, et que Louis XIV y fit porter ses menaces par cet officier de sa maison, comme un pareil officier y a été envoyé par Louis XIV qui la protégeait. Sachez que je le suis, quoi que vous en disiez, et que je ne m’en vante pas comme vous le dites ; que je regarde avec beaucoup d’indifférence tous les titres et tous les honneurs, en respectant profondément ceux qui m’en ont honoré ; que je ne mets jamais aucun titre à la tête de mes ouvrages ; que je ne m’annonce, que je ne me donne que pour un homme de lettres que vous auriez dû choisir plutôt pour votre maître que pour votre ennemi. Vous avez en vain l’insolence de vouloir avilir un corps de la maison du roi de France, en disant que de mauvais historiens de Louis XIV, Racine, Larrey, et moi, étaient de ce corps. À l’égard de Racine, Louis XIV voulut l’élever à cette dignité pour récompenser un très-grand mérite ; et Louis XV a daigné me faire la même grâce, qui est au-dessus de ma naissance, pour favoriser mes faibles efforts, et pour encourager les lettres. Cette condescendance de deux grands rois fait honneur à leur générosité, et ne peut faire aucun tort à un corps d’officiers de la couronne, aussi ancien que la monarchie[1].

  1. La Beaumelle s’efforce jusqu’au bout de répondre à Voltaire. Mais de toutes ses remarques, une seule est à recueillir pour l’histoire. Il nous apprend que ce mot : Il n’y a plus de Pyrénées, qu’il a attribué avec Voltaire à Louis XIV, est de l’ambassadeur d’Espagne, dont les propres expressions sont : Les Pyrénées sont fondues. (G. A.)