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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

qui vécut en Catilina dans sa jeunesse, et en Atticus dans sa vieillesse. Plusieurs endroits de ses Mémoires sont dignes de Salluste ; mais tout n’est pas égal. Mort en 1679.

Gourville, valet de chambre du duc de La Rochefoucauld, devenu son ami et même celui du grand Condé ; dans le même temps pendu à Paris en effigie, et envoyé du roi en Allemagne ; ensuite proposé pour succéder au grand Colbert dans le ministère. Nous avons de lui des Mémoires de sa vie, écrits avec naïveté, dans lesquels il parle de sa naissance et de sa fortune avec indifférence. Il y a des anecdotes vraies et curieuses. Né en 1625, mort en 1703.

Grécourt, chanoine de Tours. Son poëme de Philotanus eut un succès prodigieux. Le mérite de ces sortes d’ouvrages n’est d’ordinaire que dans le choix du sujet, et dans la malignité humaine. Ce n’est pas qu’il n’y ait quelques vers bien faits dans ce poëme. Le commencement en est très-heureux ; mais la suite n’y répond pas. Le diable n’y parle pas aussi plaisamment qu’il est amené. Le style est bas, uniforme, sans dialogue, sans grâces, sans finesse, sans pureté de style, sans imagination dans l’expression ; et ce n’est enfin qu’une histoire satirique de la bulle Unigenitus en vers burlesques, parmi lesquels il s’en trouve de très-plaisants. Mort en 1743.

Guéret (Gabriel), né à Paris en 1641, connu dans son temps par son Parnasse reformé, et par la Guerre des auteurs. Il avait du goût ; mais son discours Si l’empire de l’éloquence est plus grand que celui de l’amour ne prouverait pas qu’il en eût. Il a fait le Journal du palais, conjointement avec Blondeau : ce journal du palais est un recueil des arrêts des parlements de France, jugements souvent différents dans des causes semblables. Rien ne fait mieux voir combien la jurisprudence a besoin d’être réformée que cette nécessité où l’on est de recueillir des arrêts. Mort en 1688.

Hamilton (Antoine, comte d’), né à Caen[1]. On a de lui quelques jolies poésies, et il est le premier qui ait fait des romans dans un goût plaisant, qui n’est pas le burlesque de Scarron. Ses Mémoires du comte de Grammont, son beau-frère, sont de tous les livres celui où le fond le plus mince est paré du style le plus gai, le plus vif, et le plus agréable. C’est le modèle d’une conversation enjouée, plus que le modèle d’un livre. Son héros n’a guère d’autres rôles dans ses mémoires que celui de friponner ses amis au

  1. Hamilton est né en Irlande vers 1646. Il fut élevé en France, et mourut à Saint-Germain-en-Laye en 1720.