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CHAPITRE XXXI.

toutes les parties de la vraie physique, en rejetant tout système. Le public fut étonné de voir une chimie dans laquelle on ne cherchait ni le grand-œuvre, ni l’art de prolonger la vie au delà des bornes de la nature ; une astronomie qui ne prédisait pas les événements du monde, une médecine indépendante des phases de la lune. La corruption ne fut plus la mère des animaux et des plantes[1]. Il n’y eut plus de prodiges dès que la nature fut mieux connue. On l’étudia dans toutes ses productions.

La géographie reçut des accroissements étonnants. À peine Louis XIV a-t-il fait bâtir l’Observatoire qu’il fait commencer, en 1669, une méridienne par Dominique Cassini et par Picard. Elle est continuée vers le nord, en 1683, par Lahire ; et enfin Cassini la prolonge en 1700 jusqu’à l’extrémité du Roussillon. C’est le plus beau monument de l’astronomie, et il suffit pour éterniser ce siècle.

On envoie, en 1672, des physiciens à la Cayenne, faire des observations utiles. Ce voyage a été la première origine de la connaissance de l’aplatissement de la terre, démontré depuis par le grand Newton ; et il a préparé à ces voyages plus fameux qui, depuis, ont illustré le règne de Louis XV.

On fait partir, en 1700, Tournefort pour le Levant. Il y va recueillir des plantes qui enrichissent le Jardin royal, autrefois abandonné, remis alors en honneur, et aujourd’hui devenu digne de la curiosité de l’Europe. La Bibliothèque royale, déjà nombreuse, s’enrichit sous Louis XIV de plus de trente mille volumes ; et cet exemple est si bien suivi de nos jours qu’elle en contient déjà plus de cent quatre-vingt mille[2]. Il fait rouvrir l’école de droit, fermée depuis cent ans. Il établit dans toutes les universités de France un professeur de droit français. Il semble qu’il ne devrait pas y en avoir d’autres, et que les bonnes lois romaines, incorporées à celles du pays, devraient former un seul corps des lois de la nation[3].

  1. Dans la première épitre de saint Paul aux Corinthiens, il est dit, chapitre XV, verset 36 : Quod seminas non vivificateur, nisi prius moriatur. Voltaire revient souvent sur ce verset. (B.)
  2. L’abbé Sallier ne le sait pas lui-même ; mais il sait bien que le nombre est de plus de deux cent cinquante mille. (L.) — La Beaumelle, en voulant corriger Voltaire, s’éloigne de la vérité. On disait, il est vrai, que la Bibliothèque du roi contenait trois cent mille volumes ; mais le récolement fait en 1792 ne porte qu’à cent cinquante mille le nombre de livres imprimés qu’elle renferme. Aujourd’hui (1830) le nombre des volumes peut être de cinq cent mille, sans compter les opuscules, qu’on peut porter au même nombre. (B.)
  3. Il n’y a pas dans l’Europe une seule grande nation qui ait un code de droit