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Philippe V, partant pour l’Espagne. Il les écrivit à la hâte, avec une négligence qui découvre bien mieux l’âme qu’un discours étudié. On y voit le père et le roi.

« Aimez les Espagnols et tous vos sujets attachés à vos couronnes et à votre personne. Ne préférez pas ceux qui tous flatteront le plus ; estimez ceux qui, pour le bien, hasarderont de tous déplaire. Ce sont là vos véritables amis.

« Faites le bonheur de vos sujets ; et dans cette vue n’ayez de guerre que lorsque vous y serez forcé, et que vous en aurez bien considéré et bien pesé les raisons dans votre conseil.

« Essayez de remettre vos finances ; veillez aux Indes et à vos flottes ; pensez au commerce, vivez dans une grande union avec la France ; rien n’étant si bon pour nos deux puissances que cette union à laquelle rien ne pourra résister[1].

« Si vous êtes contraint de faire la guerre, mettez-vous à la tête de vos armées.

« Songez à rétablir vos troupes partout, et commencez par celles de Flandre.

« Ne quittez jamais vos affaires pour votre plaisir ; mais faites vous une sorte de règle qui vous donne des temps de liberté et de divertissement.

« Il n’y en a guère de plus innocents que la chasse et le goût de quelque maison de campagne, pourvu que vous n’y fassiez pas trop de dépense.

« Donnez une grande attention aux affaires quand on vous en parle ; écoutez beaucoup dans les commencements, sans rien décider.

« Quand vous aurez plus de connaissance, souvenez-vous que c’est à vous à décider ; mais quelque expérience que vous ayez, écoutez toujours tous les avis et tous les raisonnements de votre conseil, avant que de faire cette décision.

« Faites tout ce qui vous sera possible pour bien connaître les gens les plus importants, afin de vous en servir à propos.

« Tâchez que vos vice-rois et gouverneurs soient toujours espagnols.

« Traitez bien tout le monde ; ne dites jamais rien de fâcheux à personne ; mais distinguez les gens de qualité et de mérite.

« Témoignez de la reconnaissance pour le feu roi, et pour tous ceux qui ont été d’avis de vous choisir pour lui succéder.

« Ayez une grande confiance au cardinal Porto-Carrero, et lui

  1. On voit qu’il se trompa dans cette conjecture. (Note de Voltaire.)