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l’avait choisi pour son pasteur. Il traita de même son abbaye de Corbie. On le regardait comme un brigand à gages, qui tantôt recevait de l’argent des Hollandais pour faire la guerre à ses voisins, tantôt en recevait de la France contre la république.

La Suède n’attaqua pas les Provinces-Unies ; mais elle les abandonna dès qu’elle les vit menacées, et rentra dans ses anciennes liaisons avec la France moyennant quelques subsides. Tout conspirait à la destruction de la Hollande.

Il est singulier et digne de remarque que de tous les ennemis qui allaient fondre sur ce petit État il n’y en eût pas un qui pût alléguer un prétexte de guerre. C’était une entreprise à peu près semblable à cette ligue de Louis XII, de l’empereur Maximilien, et du roi d’Espagne, qui avaient autrefois conjuré la perte de la république de Venise parce qu’elle était riche et fière.

Les États-Généraux, consternés, écrivirent au roi, lui demandant humblement si les grands préparatifs qu’il faisait étaient en effet destinés contre eux, ses anciens et fidèles alliés ? en quoi ils l’avaient offensé ? quelle réparation il exigeait ? Il répondit « qu’il ferait de ses troupes l’usage que demanderait sa dignité, dont il ne devait compte à personne ». Ses ministres alléguaient pour toute raison que le gazetier de Hollande avait été trop insolent, et qu’on disait que Van Beuning avait fait frapper une médaille injurieuse à Louis XIV. Le goût des devises régnait alors en France. On avait donné à Louis XIV la devise du soleil avec cette légende : Nec pluribus impar. On prétendait que Van Beuning s’était fait représenter avec un soleil, et ces mots pour âme : In conspectu meo stetit sol ; à mon aspect le soleil s’est arrêté[1]. Cette médaille n’exista jamais. Il est vrai que les États avaient fait frapper une médaille, dans laquelle ils avaient exprimé tout ce que la république avait fait de glorieux : « Assertis legibus ; emendatis sacris ; adjutis, defensis, conciliatis regibus ; vindicata marium libertate ; stabilisa orbis Europæ quiete. Les lois affermies ; la religion épurée ; les rois secourus, défendus, et réunis ; la liberté des mers vengée ; l’Europe pacifiée. »

  1. Il est vrai que depuis on a frappé en Hollande une médaille qu’on a crue être celle de Van Beuning ; mais elle ne porte point de date. Elle représente un combat avec un soleil qui culmine sur la tête des combattants. La légende est : Stetit sol in medio cœli. Cette médaille, que des particuliers ont fabriquée, n’a été faite que pour la bataille d’Hochstedt, en 1709, à l’occasion de ces deux vers qui coururent alors :

    Alter in egregio nuper certamine Josue
    Clamavit : Sta, sol gallice ! solque stetit.

    Or, Van Beuning ne s’appelait point Josué, mais Conrad. (Note de Voltaire.)