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Le commerce, généralement répandu aujourd’hui, était en très-peu de mains ; la police du royaume était entièrement négligée, preuve certaine d’une administration peu heureuse. Le cardinal de Richelieu, occupé de sa propre grandeur attachée à

    exprime que la centième, tout débiteur, en payant le nombre de livres quu’il s’est engagé de payer, ne donnera réellement que la moitié de ce qu’il devait.

    Ainsi ce changement, purement grammatical, devient l’équivalent du retranchement de la moitié des dettes ou des obligations payables en argent.

    D’où il résulte pour un État qui ferait une opération semblable :

    1° Une réduction de la dette publique à la moitié de sa valeur, ce qui est faire une banqueroute à cinquante pour cent de perte ;

    2° Une diminution de moitié dans ce que l’État paye en gages, en appointements, en pensions, ce qui fait une économie de moitié sur les places inutiles ou jugées telles, et une diminution sur les places utiles et trop payées : car on sent que, pour les places utiles, une augmentation de gages devient une suite nécessaire de cette opération ;

    3° Une diminution aussi de moitié dans les impôts qui ont une évaluation fixe en argent : on les augmente proportionnellement dans la suite ; mais cette augmentation se fait moins promptement que le changement des monnaies. Souvent un gouvernement faible a profité de cette circonstance pour faire, dans la forme des impôts, des changements qu’il n’aurait osé tenter directement ;

    4° Une perte de moitié pour les particuliers créanciers d’autres particuliers : injustice qu’on leur fait sans aucun avantage pour l’État ;

    5° Un mouvement dans les prix des denrées, qui dérange le commerce, parce que les denrées ne peuvent pas doubler de prix sur-le-champ, ni aussi promptement que l’argent.

    Ainsi cette opération est une manière de faire une banqueroute, et de manquer à ses engagements, qui entraîne de plus avec elle une injustice envers un très-grand nombre de citoyens, même de ceux qui ne sont pas créanciers de l’État, une secousse dans le commerce, et du désordre dans la perception des impôts.

    Mais si, dans quelque État de l’Europe, on établissait un système plus raisonnable sur les monnaies que celui qui est adopté chez presque toutes les nations, et qu’on fût obligé, pour donner à ce système plus de perfection et de simplicité, de changer la valeur de la livre numéraire, alors on éviterait les inconvénients dont nous venons de parler, et on se mettrait à l’abri de toute injustice en déclarant que tout ce qui devait être payé en livres anciennes ne pourrait être acquitté qu’en payant, non le même nombre de livres nouvelles, mais un nombre de ces livres qui représenterait un égal poids d’argent.

    Voici maintenant en quoi nous croyons que devraient consister les changements dans les monnaies :

    1° à rapporter toutes les évaluations en monnaies à un certain poids d’un seul des deux métaux précieux, à l’argent, par exemple, et à ne fixer aucun rapport entre la valeur de ce métal et celle de l’autre, de l’or par exemple. En effet, toute différence entre la proportion fixée et celle du commerce est une source de profit pour quelques particuliers, et de perte pour les autres ;

    2° À changer les dénominations et les monnaies, de manière que chaque monnaie répondît à un nombre exact des divisions de la livre numéraire et du marc d’argent, et que les divisions de la livre numéraire et celles du marc d’argent eussent entre elles des rapports exprimés par des nombres entiers et ronds. L’usage contraire a concentré entre un petit nombre de personnes la connaissance de la