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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

ne répondit pas à la réputation de l’auteur ; Milton, auteur d’un poëme barbare, quelquefois sublime, sur la pomme d’Adam, et le modèle de tous les poëmes barbares tirés de l’Ancien Testament, réfuta Saumaise ; mais le réfuta comme une bête féroce combat un sauvage. Ces deux ouvrages, d’un pédantisme dégoûtant, sont tombés dans l’oubli[1]. Les noms des auteurs n’ont pas péri. Mort en 1653.

Saurin (Jacques), né à Nîmes en 1677. Il passa pour le meilleur prédicateur des églises réformées. Cependant on lui reproche, comme à tous ses confrères, ce qu’on appelle le style réfugié. « Il est difficile, dit-il, que ceux qui ont sacrifié leur patrie à leur religion parlent leur langue avec pureté, etc. » De son temps, cependant, le français ne s’était pas corrompu en Hollande comme il l’est aujourd’hui. Bayle n’avait point le style réfugié ; il ne péchait que par une familiarité qui approche quelquefois de la bassesse. Les défauts du langage des pasteurs calvinistes venaient de ce qu’ils copiaient les phrases incorrectes des premiers réformateurs ; de plus, presque tous ayant été élevés à Saumur, en Poitou, en Dauphiné ou en Languedoc, ils conservaient les manières de parler vicieuses de la province. On créa pour Saurin une place de ministre de la noblesse à la Haye. Il était savant, et homme de plaisir. Mort en 1730.

Saurin (Joseph), né près d’Orange en 1659, de l’Académie des sciences. C’était un génie propre à tout ; mais on n’a de lui que des extraits du Journal des savants, quelques Mémoires de mathématiques, et son fameux Factum contre Rousseau. Ce procès, si malheureusement célèbre, fit rechercher toute sa vie, et servit à susciter contre lui les plus infâmes accusations. Rousseau, réfugié en Suisse, et sachant que son ennemi avait été pasteur de l’église réformée à Bercher, dans le bailliage d’Yverdun, remua tout pour avoir des témoignages contre lui. Il faut savoir que Joseph Saurin, dégoûté de son ministère, livré à la philosophie et aux mathématiques, avait préféré la France sa patrie, la ville de Paris, et l’Académie des sciences, au village de Bercher. Pour remplir ce dessein, il avait fallu rentrer dans le sein de l’Église romaine, et il y rentra dès l’année 1690. L’évêque de Meaux, Bossuet, crut avoir converti un ministre, et il ne fit que servir à la petite fortune d’un philosophe. Saurin retourna en Suisse plusieurs années

  1. Il en est de même de la réplique de Saumaise, qui ne fut imprimée qu’après sa mort, sous ce titre : Ad Joannem Miltonum Responsio, Dijon, in-4o ; Londres, 1660, in-8o.