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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

teur. C’est par de tels artifices qu’on a trouvé le secret de multiplier les livres à l’infini, sans multiplier les connaissances. On connaît son exil, sa philosophie, et ses ouvrages. Quand on lui demanda, à sa mort, s’il voulait se réconcilier, il répondit : « Je voudrais me réconcilier avec l’appétit. » Il est enterré à Westminster, avec les rois et les hommes illustres d’Angleterre. Mort en 1703.

Saint-Pavin (Denis Sanguin de). Il était au nombre des hommes de mérite que Despréaux confondit dans ses satires avec les mauvais écrivains[1]. Le peu qu’on a de lui passe pour être d’un goût délicat. On peut connaître son mérite personnel par cette épitaphe, que fit pour lui Fieubet[2] le maître des requêtes, l’un des esprits les plus polis de ce siècle :

Sous ce tombeau gît Saint-Pavin ;
Donne des larmes à sa fin.
Tu fus de ses amis peut-être ?
Pleure sur ton sort et le sien :
Tu n’en fus pas ? pleure le tien,
Passant, d’avoir manqué d’en être.

Mort en 1670.

Saint-Pierre (Charles-Irénée Castel, abbé de), né en 1658, gentilhomme de Normandie[3], n’ayant qu’une fortune médiocre, la partagea quelque temps avec les célèbres Varignon et Fontenelle. Il écrivit beaucoup sur la politique. La meilleure définition qu’on ait faite en général de ses ouvrages est ce qu’en disait le cardinal Dubois, que c’étaient les rêves d’un bon citoyen. Il avait la simplicité de rebattre, dans ses livres, les vérités les plus triviales de la morale, et par une autre simplicité il proposait presque toujours des choses impossibles comme praticables. Il ne cessa d’insister sur le projet d’une paix perpétuelle, et d’une espèce de parlement de l’Europe, qu’il appelle la diète europaine. On avait imputé une partie de ce projet chimérique au roi

  1. Boileau a fait contre lui une épigramme, et lui a consacré un hémistiche du vers 128 de la satire première. Mais il ne parle que de son irréligion, et nullement de son talent poétique, que Voltaire vante peut-être trop. (B.)
  2. Gaspard de Fieubet, né à Toulouse en 1626, mort au couvent des camaldules, à Grosbois, le 10 septembre 1694.
  3. Dans l’édition de 1751, cet article n’avait que quatre lignes : « Saint-Pierre (l’abbé de) a contribué, par ses écrits, à faire établir la taille proportionnelle ; ses idées politiques n’ont pas toujours été des rêves. » Le texte actuel du premier alinéa formait, à quelques mots près, tout l’article en 1752. Le second alinéa fut, comme on le verra, ajouté en 1763 et 1768. (B.)