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DU SIÈCLE DE LOUIS XIV.

maroufles, de bélîtres, salissent ses épîtres. Il faut, sans doute, opposer une noble fierté à ses ennemis ; mais ces basses injures sans gaieté, sans agréments, sont le contraire d’une âme noble.

Quant aux couplets qui le firent bannir, voyez les articles Lamotte et Saurin.

On se contentera de remarquer ici que, Rousseau ayant avoué qu’il avait fait cinq de ces malheureux couplets, il était coupable de tous les autres au tribunal de tous les juges et de tous les honnêtes gens. Sa conduite après sa condamnation n’est nullement une preuve en sa faveur ; on a entre les mains des lettres du sieur Médine[1] de Bruxelles, du 7 mai 1737, conçues en ces termes : « Rousseau n’avait d’autre table que la mienne, d’autre asile que chez moi ; il m’avait baisé et embrassé cent fois le jour qu’il força mes créanciers à me faire arrêter. »

Qu’on joigne à cela un pèlerinage fait par Rousseau à Notre-Dame de Hal, et qu’on juge s’il doit en être cru sur sa parole dans l’affaire des couplets[2].

Ruinart (Thierry), bénédictin, né en 1657, laborieux critique. Il a soutenu contre Dodwell[3] l’opinion que l’Église eut dans les premiers temps une foule prodigieuse de martyrs. Peut-être n’a-t-il pas assez distingué les martyrs et les morts ordinaires ; les persécutions pour cause de religion, et les persécutions politiques. Quoi qu’il en soit, il est au nombre des savants hommes du temps. C’est principalement dans ce siècle que les bénédictins ont fait les plus profondes recherches, comme Martène[4] sur les anciens rites de l’Église. Thuillier[5] et tant d’autres ont achevé de tirer de dessous terre les décombres du moyen âge. C’est encore un genre nouveau qui n’appartient qu’au siècle de Louis XIV ; et ce n’est qu’en France que les bénédictins y ont excellé. Mort en 1709.

  1. Voyez la conclusion de la Vie de J.-B. Rousseau dans les Mélanges ; et, dans la Correspondance, la lettre à Rousset de Missy, du 9 février 1751.
  2. On pourrait ajouter que Rousseau, ayant été maltraité en public par La Faye, insulté dans les couplets, consentit à recevoir de l’argent, et renonça aux poursuites qu’il avait commencées ; cet excès de bassesse le rend indigne de toute croyance. (K.) — Voyez la Vie de J.-B. Rousseau, § iv. (B.)
  3. C’est dans la préface des Acta primorum martyrum sincera et selecta, 1689, in-4o ; 1713, in-folio ; 1731, in-folio. Les Actes sincères, que Voltaire cite fréquemment dans plusieurs de ses ouvrages, ont été traduits en français par Drouet de Maupertuy, et plusieurs fois imprimés. (B.)
  4. Edmond Martène, bénédictin, né en 1654, mort le 20 juin 1739, est auteur du traité de Antiquis Ecclesiœ Ritibus libri tres, 1700-1702, trois volumes in-4o, et de beaucoup d’autres écrits.
  5. Dom Vincent Thuillier, né en 1685, mort le 12 janvier 1736, traducteur de Polybe.