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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

lui avait fait du bien ce ministre eût été un dieu pour lui : il n’est un tyran que parce qu’il ne lui donna rien. C’est trop ressembler à ces mendiants qui appellent les passants monseigneur, et qui les maudissent s’ils n’en reçoivent point d’aumône. Les vers de Maynard étaient fort beaux. Il eût été plus beau de passer sa vie sans demander et sans murmurer. L’épitaphe qu’il lit pour lui-même est dans la bouche de tout le monde :

Las d’espérer et de me plaindre
Des muses, des grands, et du sort,
C’est ici que j’attends la mort,
Sans la désirer ni la craindre.

Les deux derniers vers sont la traduction de cet ancien vers latin :

Summum nec metuas diem, nec optes.

Mart., lib. X, ep. xlvii.

La plupart des beaux vers de morale sont des traductions. Il est bien commun de ne pas désirer la mort ; il est bien rare de ne pas la craindre, et il eût été grand de ne pas seulement songer s’il y a des grands au monde. Mort en 1646.

Ménage (Gilles), d’Angers, né en 1613. Il a prouvé qu’il est plus aisé de faire des vers en italien qu’en français. Ses vers italiens sont estimés, même en Italie ; et notre langue doit beaucoup à ses recherches. Il était savant en plus d’un genre. Sa Requête des dictionnaires l’empêcha d’entrer à l’Académie. Il adressa au cardinal Mazarin, sur son retour en France, une pièce latine où l’on trouve ce vers :

Et puto tam viles despicis ipse togas[1].

Le parlement, qui, après avoir mis à prix la tête du cardinal, l’avait complimenté, se crut désigné par ce vers, et voulait sévir contre l’auteur ; mais Ménage prouva au parlement que toga signifiait un habit de cour. Mort en 1692. La Monnoye a augmenté et rectifié le Menagiana.

Ménestrier (Claude-François), né en 1631, a beaucoup servi à la science du blason, des emblèmes, et des devises. Mort en 1705.

Méry (Jean), né en Berry en 1645, l’un de ceux qui ont le

  1. Voltaire cite et traduit ce vers dans le chapitre LVII de son Histoire du Parlement.