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ÉCRIVAINS FRANÇAIS

des sciences. Mort en 1669. Lui, et son fils, curé de Saint-Barthélemy, et académicien, ont eu de la réputation.

La Chapelle (Jean de), receveur général des finances, auteur de quelques tragédies qui eurent du succès en leur temps. Il était un de ceux qui tâchaient d’imiter Racine : car Racine forma, sans le vouloir, une école comme les grands peintres. Ce fut un Raphaël qui ne fit point de Jules Romain ; mais au moins ses premiers disciples écrivirent avec quelque pureté de langage ; et, dans la décadence qui a suivi, on a vu de nos jours des tragédies entières où il n’y a pas douze vers de suite dans lesquels il n’y ait des fautes grossières. Voilà d’où l’on est tombé, et à quels excès on est parvenu après avoir eu de si grands modèles. Mort en 1723.

Lachaussée. Voyez Nivelle.

La Croze (Mathurin Veissière de), né à Nantes en 1661, bénédictin à Paris. Sa liberté de penser, et un prieur contraire à cette liberté, lui firent quitter son ordre et sa religion. C’était une bibliothèque vivante, et sa mémoire était un prodige. Outre les choses utiles et agréables qu’il savait, il en avait étudié d’autres qu’on ne peut savoir, comme l’ancienne langue égyptienne. Il y a de lui un ouvrage estimé, c’est le Christianisme des Indes. Ce qu’on y trouve de plus curieux, c’est que les bramins croient l’unité d’un Dieu, en laissant les idoles aux peuples. La fureur d’écrire est telle qu’on a écrit la vie de cet homme en un volume aussi gros que la Vie d’Alexandre. Ce petit extrait, encore trop long, aurait suffi[1]. Mort à Berlin en 1739.

La Fare (Charles-Auguste, marquis de), connu par ses Mémoires et par quelques vers agréables. Son talent pour la poésie ne se développa qu’à l’âge de près de soixante ans. Ce fut Mme  de Caylus[2], l’une des plus aimables personnes de ce siècle par sa beauté et par son esprit, pour laquelle il fit ses premiers vers, et peut-être les plus délicats qu’on ait de lui :

M’abandonnant un jour à la tristesse,
Sans espérance et même sans désirs,
Je regrettais les sensibles plaisirs
Dont la douceur enchanta ma jeunesse.
Sont-ils perdus, disais-je, sans retour ?
Et n’es-tu pas cruel, Amour,

  1. Cet article est de 1752. L’Histoire de la vie et des ouvrages de M. La Croze, par C.-E. Jordan, est de 1741, deux parties in-8o.
  2. Voltaire a publié des Remarques sur les souvenirs de Mme  de Caylus.