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CHAPITRE CXCIII.

quis Candahar sur le Mogol, vers l’an 1650, sous Sha-Abbas II, et ce fut pour leur malheur. Le ministère de Sha-Hussein, petit-fils de Sha-Abbas II, traita mal les aguans. Myri-Veis, qui n’était qu’un particulier, mais un particulier courageux et entreprenant, se mit à leur tête.

C’est encore ici une de ces révolutions où le caractère des peuples qui la firent eut plus de part que le caractère de leurs chefs : car Myri-Veis ayant été assassiné et remplacé par un autre barbare, nommé Maghmud, son propre neveu, qui n’était âgé que de dix-huit ans, il n’y avait pas d’apparence que ce jeune homme pût faire beaucoup par lui-même, et qu’il conduisît ces troupes indisciplinées de montagnards féroces, comme nos généraux conduisent des armées réglées. Le gouvernement de Hussein était méprisé, et, la province de Candahar ayant commencé les troubles, les provinces du Caucase, du côté de la Géorgie, se révoltèrent aussi. Enfin Maghmud assiégea Ispahan en 1722. Sha Hussein lui remit cette capitale, abdiqua le royaume à ses pieds, et le reconnut pour son maître ; trop heureux que Maghmud daignât épouser sa fille.

Tous les tableaux des cruautés et des malheurs des hommes, que nous examinons depuis le temps de Charlemagne, n’ont rien de plus horrible que les suites de la révolution d’Ispahan. Maghmud crut ne pouvoir s’affermir qu’en faisant égorger les familles des principaux citoyens. La Perse entière a été trente années ce qu’avait été l’Allemagne avant la paix de Vestphalie, ce que fut la France du temps de Charles VI, l’Angleterre dans les guerres de la rose rouge et de la rose blanche ; mais la Perse est tombée d’un état plus florissant dans un plus grand abîme de malheurs.

La religion eut encore part à ces désolations. Les aguans tenaient pour Omar, comme les Persans pour Ali ; et ce Maghmud, chef des aguans, mêlait les plus lâches superstitions aux plus détestables cruautés : il mourut en démence, en 1725, après avoir désolé la Perse. Un nouvel usurpateur de la nation des aguans lui succéda ; il s’appelait Asraf. La désolation de la Perse redoublait de tous côtés. Les Turcs l’inondaient du côté de la Géorgie, l’ancienne Colchide. Les Russes fondaient sur ses provinces, du nord à l’occident de la mer Caspienne, vers les portes de Delbent dans le Shirvan, qui était autrefois l’Ibérie et l’Albanie. On ne nous dit point ce que devint parmi tant de troubles le roi détrôné Sha-Hussein. Ce prince n’est connu que pour avoir servi d’époque au malheur de son pays.

Un des fils de cet empereur, nommé Thamas, échappé au