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DE L’ITALIE À LA FIN DU XVIe SIÈCLE.

très-faux que Pie IV violât les lois divines et humaines, et il est très-évident qu’en conservant l’ancienne discipline du célibat sacerdotal depuis si longtemps établie dans l’Occident, il se conformait à une opinion devenue une loi de l’Église.

Tous les autres usages de la discipline ecclésiastique particulière à l’Allemagne subsistèrent. Les questions préjudiciables à la puissance séculière ne réveillèrent plus ces guerres qu’elles avaient autrefois fait naître. Il y eut toujours des difficultés, des épines, entre la cour de Rome et les cours catholiques ; mais le sang ne coula point pour ces petits démêlés. L’interdit de Venise sous Paul V a été depuis la seule querelle éclatante. Les guerres de religion en Allemagne et en France occupaient alors assez, et la cour de Rome ménageait d’ordinaire les souverains catholiques, de peur qu’ils ne devinssent protestants. Malheur seulement aux princes faibles, quand ils avaient en tête un prince puissant comme Philippe, qui était le maître au conclave !

Il manqua à l’Italie la police générale : ce fut là son véritable fléau. Elle fut infestée longtemps de brigands au milieu des arts et dans le sein de la paix, comme la Grèce l’avait été dans les temps sauvages. Des frontières du Milanais au fond du royaume de Naples, des troupes de bandits, courant sans cesse d’une province à une autre, achetaient la protection des petits princes, ou les forçaient à les tolérer. On ne put les exterminer dans l’État du saint-siége jusqu’au règne de Sixte-Quint ; et après lui ils reparurent quelquefois. Ce fatal exemple encourageait les particuliers à l’assassinat : l’usage du stylet n’était que trop commun dans les villes, tandis que les bandits couraient les campagnes ; les écoliers de Padoue s’étaient accoutumés à assommer les passants sous les arcades qui bordent les rues.

Malgré ces désordres trop communs, l’Italie était le pays le plus florissant de l’Europe, s’il n’était pas le plus puissant. On n’entendait plus parler de ces guerres étrangères qui l’avaient désolée depuis le règne du roi de France Charles VIII, ni de ces guerres intestines de principauté contre principauté, et de ville contre ville ; on ne voyait plus de ces conspirations autrefois si fréquentes. Naples, Venise, Rome, Florence, attiraient les étrangers par leur magnificence et par la culture de tous les arts. Les plaisirs de l’esprit n’étaient encore bien connus que dans ce climat. La religion s’y montrait aux peuples sous un appareil imposant, nécessaire aux imaginations sensibles. Ce n’était qu’en Italie qu’on avait élevé des temples dignes de l’antiquité ; et Saint-Pierre de Rome les surpassait tous. Si les pratiques superstitieuses, de