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DE L’ITALIE A LA FIN DU XVIe SIÈCLE.

sous le nom du roi, doit à peu près la même somme par année aux rentiers et à ceux qui ont acheté des charges. Cette manœuvre, inconnue à tant d’autres nations, et surtout à celles de l’Asie, a été le triste fruit de nos guerres, et le dernier effort de l’industrie politique, industrie non moins dangereuse que la guerre même. Ces dettes de la France et de l’Angleterre sont depuis augmentées prodigieusement.

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CHAPITRE CLXXXIII.


De l’Italie, et principalement de Rome, à la fin du xvie siècle. Du concile de Trente. De la réforme du calendrier, etc.


Autant la France et l’Allemagne furent bouleversées à la fin du XVIe et au commencement du XVIIe siècle, languissantes, sans commerce, privées des arts et de toute police, abandonnées à l’anarchie ; autant les peuples d’Italie commencèrent en général à jouir du repos, et cultivèrent à l’envi les arts de goût, qui ailleurs étaient ignorés, ou grossièrement exercés. Naples et Sicile furent sans révolutions ; on n’y eut même aucune inquiétude. Quand le pape Paul IV, poussé par ses neveux, voulut ôter ces deux royaumes à Philippe II, par les armes de Henri II, roi de France, il prétendait les transférer au duc d’Anjou, qui fut depuis Henri III, moyennant vingt mille ducats de tribut annuel au lieu de six mille, et surtout à condition que ses neveux y auraient des principautés considérables et indépendantes.

Ce royaume était alors le seul au monde qui fût tributaire. On prétendait que la cour de Rome voulait qu’il cessât de l’être, et qu’il fût enfin réuni au saint-siége ; ce qui aurait pu rendre les papes assez puissants pour tenir en maîtres la balance de l’Italie. Mais il était impossible que ni Paul IV, ni toute l’Italie ensemble, ôtassent Naples à Philippe II, pour l’ôter ensuite au roi de France, et dépouiller les deux plus puissants monarques de la chrétienté. L’entreprise de Paul IV ne fut qu’une témérité malheureuse. Le fameux duc d’Albe, alors vice-roi de Naples, insulta aux démarches de ce pontife, en faisant fondre les cloches et tout le bronze de Bénévent, qui appartenait au saint-siége, pour en faire des canons. Cette guerre fut presque aussitôt finie que commencée. Le duc