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DÉCADENCE DE L’EMPIRE GREC.

de ses lettres, imprimées depuis dans le recueil de ses aménités, recommande à son père un de ses bâtards qu’il avait eu d’une femme anglaise. Il ne condamna point ses amours comme il condamna ses sentiments sur la faillibilité du pape.

Ce concile fait voir en tout combien les choses changent selon les temps. Les pères de Constance avaient livré au bûcher Jean Hus et Jérôme de Prague, malgré leurs protestations qu’ils ne suivaient point les dogmes de Wiclef, malgré leur foi nettement expliquée sur la présence réelle, persistant seulement dans les sentiments de Wiclef sur la hiérarchie et sur la discipline de l’Église.

Les hussites, du temps du concile de Bâle, allaient bien plus loin que leurs deux fondateurs. Procope le Rasé, ce fameux capitaine, compagnon et successeur de Jean Ziska, vint disputer au concile de Bâle, à la tête de deux cents gentilshommes de son parti. Il soutint entre autres choses que les moines étaient une invention du diable. « Oui, dit-il, je le prouve. N’est-il pas vrai que Jésus-Christ ne les a point institués ? — Nous n’en disconvenons pas, dit le cardinal Julien. — Eh bien ! dit Procope, il est donc clair que c’est le diable. » Raisonnement digne d’un capitaine bohémien de ce temps-là. Æneas Silvius, témoin de cette scène, dit qu’on ne répondit à Procope que par un éclat de rire ; on avait répondu aux infortunés Jean Hus et Jérôme par un arrêt de mort. On a vu pendant ce concile quel était l’avilissement des empereurs grecs. Il fallait bien qu’ils touchassent à leur ruine, puisqu’ils allaient à Rome mendier de faibles secours, et faire le sacrifice de leur religion : aussi succombèrent-ils quelques années après sous les Turcs, qui prirent Constantinople. Nous allons voir les causes et les suites de cette révolution.

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CHAPITRE LXXXVII.


Décadence de l’empire grec, soi-disant empire romain.
Sa faiblesse, sa superstition, etc.


Les croisades, en dépeuplant l’Occident, avaient ouvert la brèche par où les Turcs entrèrent enfin dans Constantinople : car