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DU CONCILE DE BÂLE, DU TEMPS DE CHARLES VII.

son État ; comment des conciles peuvent-ils le lui ravir, quand ses sujets sont contents de son administration ? Un électeur ecclésiastique, dont l’empire et son électorat seraient contents, serait en vain déposé comme évêque par tous les évêques de l’univers ; il resterait électeur, avec le même droit qu’un roi excommunié par toute l’Église, et maître chez lui, demeurerait souverain.

Le concile de Constance avait déposé le souverain de Rome, parce que Rome n’avait voulu ni pu s’y opposer. Le concile de Bâle, qui prétendit dix ans après suivre cet exemple, fit voir combien l’exemple est trompeur, combien sont différentes les affaires qui semblent les mêmes, et que ce qui est grand et seulement hardi dans un temps, est petit et téméraire dans un autre.

Le concile de Bàle n’était qu’une prolongation de plusieurs autres indiqués par le pape Martin V, tantôt à Pavie, tantôt à Sienne ; mais dès que le pape Eugène IV fut élu, en 1431, les pères commencèrent par déclarer que le pape n’avait ni le droit de dissoudre leur assemblée, ni même celui de la transférer, et qu’il leur était soumis sous peine de punition. Le pape Eugène, sur cet énoncé, ordonna la dissolution du concile. Il paraît qu’il y eut dans cette démarche précipitée des pères plus de zèle que prudence, et que ce zèle pouvait être funeste. L’empereur Sigismond, qui régnait encore, n’était pas le maître de la personne d’Eugène comme il l’avait été de celle de Jean XXIII. Il ménageait à la fois le pape et le concile. Le scandale s’en tint longtemps aux négociations ; on y fit entrer l’Orient et l’Occident. L’empire des Grecs ne pouvait plus se soutenir contre les Turcs que par les princes latins ; et pour obtenir un faible secours très-incertain, il fallait que l’Église grecque se soumît à la romaine. Elle était bien éloignée de cette soumission. Plus le péril était proche, plus les Grecs étaient opiniâtres. Mais l’empereur Jean Paléologue, second du nom, que le péril intéressait davantage, consentait à faire par politique ce que tout son clergé refusait par opiniâtreté. Il était prêt d’accorder tout, pourvu qu’on le secourût. Il s’adressait à la fois au pape et au concile ; et tous deux se disputaient l’honneur de faire fléchir les Grecs. Il envoya des ambassadeurs à Bâle, où le pape avait quelques partisans qui furent plus adroits que les autres pères. Le concile avait décrété qu’on enverrait quelque argent à l’empereur, et des galères pour l’amener en Italie, qu’ensuite on le recevrait à Bâle. Les émissaires du pape firent un décret clandestin par lequel il était dit, au nom du concile même, que l’empereur serait reçu à Florence, où le pape transférait l’assemblée ; ils enlevèrent la serrure de la cassette où