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CHAPITRE CLXXV.


CHAPITRE CLXXV.


De la France, sous Louis XIII, jusqu’au ministère du cardinal de Richelieu. États généraux tenus en France. Administration malheureuse. Le maréchal d’Ancre, assassiné ; sa femme, condamnée à être brûlée. Ministère du duc de Luines. Guerres civiles. Comment le cardinal de Richelieu entra au conseil.


On vit après la mort de Henri IV combien la puissance, la considération, les mœurs, l’esprit d’une nation, dépendent souvent d’un seul homme. Il tenait, par une administration douce et forte, tous les ordres de l’État réunis, toutes les factions assoupies, les deux religions dans la paix, les peuples dans l’abondance. La balance de l’Europe était dans sa main par ses alliances, par ses trésors, et par ses armes. Tous ces avantages sont perdus dès la première année de la régence de sa veuve, Marie de Médicis. Le duc d’Épernon, cet orgueilleux mignon de Henri III, ennemi secret de Henri IV, déclaré ouvertement contre ses ministres, va au parlement le jour même que Henri est assassiné. D’Épernon était colonel général de l’infanterie ; le régiment des gardes était à ses ordres : il entre en mettant la main sur la garde de son épée, et force le parlement à se donner le droit de disposer de la régence (14 mai 1610), droit qui jusqu’alors n’avait appartenu qu’aux états généraux. Les lois de toutes les nations ont toujours voulu que ceux qui nomment au trône, quand il est vacant, nomment à la régence. Faire un roi est le premier des droits ; faire un régent est le second, et suppose le premier. Le parlement de Paris jugea la cause du trône, et décida du pouvoir suprême pour avoir été menacé par le duc d’Épernon, et parce qu’on n’avait pas eu le temps d’assembler les trois ordres de l’État.

Il déclara, par un arrêt, Marie de Médicis seule régente. La reine vint le lendemain faire confirmer cet arrêt en présence de son fils, et le chancelier de Sillery, dans cette cérémonie qu’on appelle lit de justice, prit l’avis des présidents avant de prendre celui des pairs et même des princes du sang, qui prétendaient partager la régence.

Vous voyez par là, et vous avez souvent remarqué comment les droits et les usages s’établissent, et comment ce qui a été fait une fois solennellement contre les règles anciennes devient