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DE LA FRANCE SOUS HENRI III.

-Esprit et à nous » ; mais : « En présence du Saint-Esprit, il nous a semblé bon. » Cette formule est moins hardie.

Le cardinal de Lorraine renouvela les anciennes acclamations des premiers conciles grecs ; il s’écria : « Longues années au pape, à l’empereur, et aux rois ! » Les pères répétèrent les mêmes paroles. On se plaignit en France qu’il n’eût point nommé le roi son maître, et on vit dès lors combien ce cardinal craignait d’offenser Philippe II, qui fut le soutien de la Ligue.

Ainsi finit ce concile, qui dura, dans ses interruptions depuis sa convocation, l’espace de vingt-un ans. Les théologiens qui n’avaient point de voix délibérative y expliquèrent les dogmes ; les prélats prononcèrent, les légats du pape les dirigèrent ; ils apaisèrent les murmures, adoucirent les aigreurs, éludèrent tout ce qui pouvait blesser la cour de Rome, et furent toujours les maîtres.

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CHAPITRE CLXXIII.


De la France sous Henri III. Sa transplantation en Pologne, sa fuite, son retour en France. Mœurs du temps, ligue, assassinats, meurtre du roi, anecdotes curieuses.


Au milieu de ces désastres et de ces disputes, le duc d’Anjou, qui avait acquis quelque gloire en Europe dans les journées de Jarnac et de Moncontour, est élu roi de Pologne (1573). Il ne regardait cet honneur que comme un exil. On l’appelait chez un peuple dont il n’entendait pas la langue, regardé alors comme barbare, et qui, moins malheureux, à la vérité, que les Français, moins fanatique, moins agité, était cependant beaucoup plus agreste. L’apanage du duc d’Anjou lui valait plus que la couronne de Pologne : il se montait à douze cent mille livres ; et ce royaume éloigné était si pauvre que, dans le diplôme de l’élection, on stipula, comme une clause essentielle que le roi dépenserait ces douze cent mille livres en Pologne. Il va donc chercher avec douleur cette terre étrangère. Il n’avait pourtant rien à regretter en France : la cour qu’il abandonnait était en proie à autant de dissensions que le reste de l’État. C’étaient chaque jour des conspirations, ou réelles ou supposées, des duels, des assassi-