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CHAPITRE CLXX.

pagnés, et mille soldats déterminés, conduits par trente capitaines choisis, devaient se rendre au jour marqué du fond des provinces du royaume dans Amboise, où était la cour. Les rois n’avaient point encore la nombreuse garde qui les entoure aujourd’hui : le régiment des gardes ne fut formé que par Charles IX. Deux cents archers tout au plus accompagnaient François II. Les autres rois de l’Europe n’en avaient pas davantage. Le connétable de Montmorency, revenant depuis dans Orléans, où les Guises avaient mis une garde nouvelle à la mort de François II, chassa ces nouveaux soldats, et les menaça de les faire pendre comme des ennemis qui mettaient une barrière entre le roi et son peuple.

La simplicité des mœurs antiques était encore dans le palais des rois ; mais aussi ils étaient moins assurés contre une entreprise déterminée. Il était aisé de se saisir, dans la maison royale, des ministres, du roi même : le succès semblait sûr. Le secret fut gardé par tous les conjurés pendant près de six mois. L’indiscrétion du chef, nommé du Barry de La Renaudie, qui s’ouvrit dans Paris à un avocat, fit découvrir la conjuration : elle n’en fut pas moins exécutée ; les conjurés n’allèrent pas moins au rendez-vous. Leur opiniâtreté désespérée venait surtout du fanatisme de la religion : ces gentilshommes étaient la plupart des calvinistes, qui se faisaient un devoir de venger leurs frères persécutés. Le prince Louis de Condé avait hautement embrassé cette secte, parce que le duc de Guise et le cardinal de Lorraine étaient catholiques. Une révolution dans l’Église et dans l’État devait être le fruit de cette entreprise.

(1560) Les Guises eurent à peine le temps de faire venir des troupes. Il n’y avait pas alors quinze mille hommes enrégimentés dans tout le royaume ; mais on en rassembla bientôt assez pour exterminer les conjurés. Comme ils venaient par troupes séparées, ils furent aisément défaits ; du Barry de La Renaudie fut tué en combattant ; plusieurs moururent comme lui les armes à la main. Ceux qui furent pris périrent dans les supplices ; et pendant un mois entier on ne vit dans Amboise que des échafauds sanglants et des potences chargées de cadavres.

La conspiration, découverte et punie, ne servit qu’à augmenter le pouvoir de ceux qu’on avait voulu détruire. François de Guise eut la puissance des anciens maires du palais, sous le nouveau titre de lieutenant général du royaume ; mais cette autorité même de François de Guise, l’ambition turbulente du cardinal en France, révoltèrent contre eux tous les ordres du royaume, et produisirent de nouveaux troubles.