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CHAPITRE CLXV.

que le simple nécessaire, et ce n’était pas la peine de l’enfermer : on ne craignait point ses compatriotes ; on défendait ses troupeaux et ses grains contre l’ennemi. Les maisons, dans tous ces cantons maritimes, n’étaient que des cabanes où la propreté fit toute la magnificence. Jamais peuple ne connut moins la délicatesse : quand Louise de Coligny vint épouser à La Haye le prince Guillaume, on envoya au-devant d’elle une charrette de poste découverte, où elle fut assise sur une planche. Mais La Haye devint, sur la fin de la vie de Maurice, et dans le temps de Frédéric-Henri, un séjour agréable par l’affluence des princes, des négociateurs, et des guerriers. Amsterdam fut, par le commerce seul, une des plus florissantes villes de la terre, et la bonté des pâturages d’alentour fit la richesse des habitants des campagnes.

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CHAPITRE CLXV.


Suite du règne de Philippe II. Malheur de don Sébastien, roi de Portugal.


Il semblait que le roi d’Espagne dut alors écraser la maison de Nassau et la république naissante du poids de sa puissance. Il avait perdu à la vérité en Afrique la souveraineté de Tunis, et le port de la Goulette où était autrefois Carthage : mais un roi de Maroc et de Fez, nommé Mulei-Mehemed, qui disputait le royaume à son oncle, avait offert à Philippe de se rendre son tributaire, dès l’an 1577. Philippe le refusa, et ce refus lui valut la couronne de Portugal, Le monarque africain alla lui-même embrasser les genoux du roi de Portugal, Sébastien, et implorer son secours. Ce jeune prince, arrière-petit-fils du grand Emmanuel, brûlait de se signaler dans cette partie du monde où ses ancêtres avaient fait tant de conquêtes. Ce qui est très-singulier, c’est que, n’étant point aidé de Philippe, son oncle maternel, dont il allait être le gendre, il reçut un secours de douze cents hommes du prince d’Orange, qui pouvait à peine alors se soutenir en Flandre. Cette petite circonstance, dans l’histoire générale, marque bien de la grandeur dans le prince d’Orange, mais surtout une passion déterminée de faire partout des ennemis à Philippe.