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DE PHILIPPE II, ROI D’ESPAGNE.

purent jamais tenir. Ce pape proposa à Henri II de donner Naples et Sicile à un fils de France.

C’était toujours l’ambition des Valois de conquérir le Milanais et les Deux-Siciles. Le pape croit avoir une armée ; il demande au roi Henri II le célèbre François de Guise pour la commander ; mais la plupart des cardinaux étaient pensionnaires de Philippe. Paul était mal obéi ; il n’eut que peu de troupes, qui ne servirent qu’à exposer Rome à être prise et saccagée par le duc d’Albe, sous Philippe II, comme elle l’avait été sous Charles-Quint. Le duc de Guise arrive par le Piémont, où les Français avaient encore Turin ; il marche vers Rome avec quelque gendarmerie ; à peine est-il arrivé qu’il apprend le désastre de la bataille de Saint-Quentin en Picardie, perdue par les Français (10 août 1557).

Marie d’Angleterre avait donné contre la France huit mille Anglais à Philippe son époux, qui vint à Londres pour les faire embarquer, mais non pas pour les conduire à l’ennemi. Cette armée, jointe à l’élite des troupes espagnoles commandées par le duc de Savoie, Philibert-Emmanuel, l’un des grands capitaines de ce siècle, défit si entièrement l’armée française à Saint-Quentin qu’il ne resta rien de l’infanterie : tout fut tué ou pris ; les vainqueurs ne perdirent que quatre-vingts hommes ; le connétable de Montmorency et presque tous les officiers généraux furent prisonniers, un duc d’Enghien blessé à mort, la fleur de la noblesse détruite, la France dans le deuil et dans l’alarme. Les défaites de Crécy, de Poitiers, d’Azincourt, n’avaient pas été plus funestes ; et cependant la France, tant de fois prête de succomber, se releva toujours. Charles-Quint et Philippe II son fils parurent prêts de la détruire.

Tous les projets de Henri II sur l’Italie s’évanouissent ; on rappelle le duc de Guise. Cependant le vainqueur Philibert-Emmanuel de Savoie prend Saint-Quentin. Il pouvait marcher jusqu’à Paris, que Henri II faisait fortifier à la hâte, et qui par conséquent était mal fortifié ; mais Philippe se contenta d’aller voir son camp victorieux. Il prouva que les grands événements dépendent souvent du caractère des hommes. Le sien était de donner peu à la valeur, et tout à la politique. Il laissa respirer son ennemi, dans le dessein de gagner par une paix qu’il aurait dictée plus que par des victoires qui ne pouvaient être son ouvrage. Il donne au duc de Guise le temps de revenir, de rassembler une armée, de rassurer le royaume.

Il semblait qu’alors les rois ne se crussent pas faits pour se secourir eux-mêmes. Henri II déclare le duc de Guise vice-roi de