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DE FERNAND CORTÈS.

CHAPITRE CXLVII.


De Fernand Cortès.


Ce fut de l’île de Cuba que partit Fernand Cortès pour de nouvelles expéditions dans le continent (1519). Ce simple lieutenant du gouverneur d’une île nouvellement découverte, suivi de moins de six cents hommes, n’ayant que dix-huit chevaux et quelques pièces de campagne, va subjuguer le plus puissant État de l’Amérique. D’abord il est assez heureux pour trouver un Espagnol qui, ayant été neuf ans prisonnier à Jucatan, sur le chemin du Mexique, lui sert d’interprète. Une Américaine, qu’il nomme dona Marina, devient à la fois sa maîtresse et son conseil, et apprend bientôt assez d’espagnol pour être aussi une interprète utile. Ainsi l’amour, la religion, l’avarice, la valeur, et la cruauté, ont conduit les Espagnols dans ce nouvel hémisphère. Pour comble de bonheur, on trouve un volcan plein de soufre, on découvre du salpêtre qui sert à renouveler dans le besoin la poudre consommée dans les combats. Cortès avance le long du golfe du Mexique, tantôt caressant les naturels du pays, tantôt faisant la guerre : il trouve des villes policées où les arts sont en honneur. La puissante république de la Tlascala, qui florissait sous un gouvernement aristocratique, s’oppose à son passage ; mais la vue des chevaux et le bruit seul du canon mettaient en fuite ces multitudes mal armées. Il fait une paix aussi avantageuse qu’il le veut ; six mille de ses nouveaux alliés de Tlascala l’accompagnent dans son voyage du Mexique. Il entre dans cet empire sans résistance, malgré les défenses du souverain. Ce souverain commandait cependant, à ce qu’on dit, à trente vassaux, dont chacun pouvait paraître à la tête de cent mille hommes armés de flèches et de ces pierres tranchantes qui leur tenaient lieu de fer. S’attendait-on à trouver le gouvernement féodal établi au Mexique ?

La ville de Mexico, bâtie au milieu d’un grand lac, était le plus beau monument de l’industrie américaine : des chaussées immenses traversaient le lac tout couvert de petites barques faites de troncs d’arbres. On voyait dans la ville des maisons spacieuses et commodes, construites de pierre, des marchés, des boutiques qui brillaient d’ouvrages d’or et d’argent ciselés et sculptés, de