Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/379

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
369
DE L’INDE.

monde austral, on connaîtra encore plus la variété de la nature : tout agrandira la sphère de nos idées, et diminuera celle de nos préjugés.

Mais, pour revenir aux côtes de l’Inde, dans la presqu’île deçà le Gange habitent des multitudes de Banians, descendants des anciens brachmanes attachés à l’ancien dogme de la métempsycose, et à celui des deux principes, répandu dans toutes les provinces des Indes, ne mangeant rien de ce qui respire, aussi obstinés que les Juifs à ne s’allier avec aucune nation, aussi anciens que ce peuple, et aussi occupés que lui du commerce.

C’est surtout dans ce pays que s’est conservée la coutume immémoriale qui encourage les femmes à se brûler sur le corps de leurs maris, dans l’espérance de renaître, ainsi que vous l’avez vu précédemment.

Vers Surate, vers Cambaye, et sur les frontières de la Perse, étaient répandus les Guèbres, restes des anciens Persans, qui suivent la religion de Zoroastre, et qui ne se mêlent pas plus avec les autres peuples que les banians et les Hébreux. On vit dans l’Inde d’anciennes familles juives qu’on y crut établies depuis leur première dispersion. On trouva sur les côtes de Malabar des chrétiens nestoriens, qu’on appelle mal à propos les chrétiens de saint Thomas : ils ne savaient pas qu’il y eût une Église de Rome. Gouvernés autrefois par un patriarche de Syrie, ils reconnaissaient encore ce fantôme de patriarche, qui résidait, ou plutôt qui se cachait dans Mosul, qu’on prétend être l’ancienne Ninive. Cette faible Église syriaque était comme ensevelie sous ses ruines par le pouvoir mahométan, ainsi que celles d’Antioche, de Jérusalem, d’Alexandrie. Les Portugais apportaient la religion catholique romaine dans ces climats ; ils fondaient un archevêché dans Goa, devenue métropole en même temps que capitale. On voulut soumettre les chrétiens du Malabar au saint-siége ; on ne put jamais y réussir. Ce qu’on a fait si aisément chez les sauvages de l’Amérique, on l’a toujours tenté vainement dans toutes les églises séparées de la communion de Rome.

Lorsque d’Ormus on alla vers l’Arabie, on rencontra des dis-