Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome12.djvu/339

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
329
DE LA RELIGION EN FRANCE SOUS FRANÇOIS Ier.

plus odieux à la France ; et la religion pouvait souffrir de la haine que Rome inspirait.

Tel fut longtemps le cri de tous les magistrats, de tous les chapitres, de toutes les universités. Ces plaintes s’aggravèrent encore quand on vit la bulle dans laquelle le voluptueux Léon X appelle la pragmatique sanction la dépravation du royaume de France.

Cette insulte faite à toute une nation, dans une bulle où l’on citait saint Paul, et où l’on demandait de l’argent, excite encore aujourd’hui l’indignation publique.

Les premières années qui suivirent le concordat furent des temps de troubles dans plusieurs diocèses. Le roi nommait un évêque, les chanoines un autre ; le parlement, en vertu des appels comme d’abus, jugeait en faveur du clergé. Ces disputes eussent fait naître des guerres civiles du temps du gouvernement féodal. Enfin François Ier ôta au parlement la connaissance de ce qui concerne les évêchés et les abbayes, et l’attribua au grand conseil. Avec le temps tout fut tranquille : on s’accoutuma au concordat comme s’il avait toujours existé, (1538) et les plaintes du parlement cessèrent entièrement lorsque le roi obtint du pape Paul III l’induit du chancelier et des membres du parlement ; induit par lequel ils peuvent eux-mêmes faire en petit ce que le roi fait en grand, conférer un bénéfice dans leur vie : les maîtres des requêtes eurent le même privilége.

Dans toute cette affaire, qui fit tant de peine à François Ier il était nécessaire qu’il fût obéi s’il voulait que Léon X remplît avec lui ses engagements politiques, et l’aidât à recouvrer le duché de Milan.

On voit que l’étroite liaison qui les unit quelque temps ne permettait pas au roi de laisser se former en France une religion contraire à la papauté. Le conseil croyait d’ailleurs que toute nouveauté en religion traîne après elle des nouveautés dans l’État. Les politiques peuvent se tromper en ne jugeant que par un exemple qui les frappe. Le conseil avait raison, en considérant les troubles d’Allemagne qu’il fomentait lui-même ; peut-être avait-il tort s’il songeait à la facilité avec laquelle les rois de Suède et de Danemark établissaient alors le luthéranisme. Il pouvait encore regarder en arrière, et voir de plus grands exemples. La religion chrétienne s’était partout introduite sans guerre civile : dans l’empire romain, sur un édit de Constantin ; en France, par la volonté de Clovis ; en Angleterre, par l’exemple du petit roi de Kent, nommé Éthelbert ; en Pologne, en Hongrie, par les mêmes causes. Il n’y avait guère plus d’un siècle que le premier des