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DE ZUINGLE.

aujourd’hui tous les magistrats sages, que Dieu permettait autrefois des choses qu’il ne permet plus aujourd’hui ; que l’Église naissante avait besoin de miracles, dont l’Église affermie n’a plus besoin. En un mot, nous croyons, par le témoignage de l’Écriture, qu’il y avait des possédés et des sorciers, et il est certain qu’il n’y en a pas aujourd’hui : car si dans nos derniers temps les protestants du Nord ont été encore assez imbéciles et assez cruels pour faire brûler deux ou trois misérables accusés de sorcellerie, il est constant qu’enfin cette sotte abomination est entièrement abolie.

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CHAPITRE CXXIX.


De Zuingle, et de la cause qui rendit la religion romaine odieuse dans une partie de la Suisse.


La Suisse fut le premier pays hors de l’Allemagne où s’étendit la nouvelle secte qu’on appelait la primitive église. Zuingle curé de Zurich, alla plus loin encore que Luther ; chez lui, point d’impanation, point d’invination. Il n’admit point que Dieu entrât dans le pain et dans le vin, moins encore que tout le corps de Jésus-Christ fût tout entier dans chaque parcelle et dans chaque goutte. Ce fut lui qu’en France on appela sacramentaire, nom qui fut d’abord donné à tous les réformateurs de sa secte.

(1523) Zuingle s’attira des invectives du clergé de son pays. L’affaire fut portée aux magistrats. Le sénat de Zurich examina le procès, comme s’il s’était agi d’un héritage. On alla aux voix : la pluralité fut pour la réformation. Le peuple attendait en foule la sentence du sénat ; lorsque le greffier vint annoncer que Zuingle avait gagné sa cause, tout le peuple fut dans le moment de la religion du sénat. Une bourgade suisse jugea Rome. Heureux peuple, après tout, qui dans sa simplicité s’en remettait à ses magistrats sur ce que ni lui, ni eux, ni Zuingle, ni le pape, ne pouvaient entendre !

Quelques années après, Berne, qui est en Suisse ce qu’Amsterdam est dans les Provinces-Unies, jugea plus solennellement encore ce même procès. Le sénat, ayant entendu pendant deux mois les deux parties, condamna la religion romaine. L’arrêt fut