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CHAPITRE CXXVIII.

qu’Osiander appelle impanation, invination, consubstantiation. Luther se contentait de dire que le corps et le sang étaient dedans, dessus, et dessous, in, cum, sub. Ainsi, tandis que ceux qu’on appelait papistes mangeaient Dieu sans pain, les luthériens mangeaient du pain, et Dieu. Les calvinistes vinrent bientôt après, qui mangèrent le pain, et qui ne mangèrent point Dieu.

Les luthériens voulurent d’abord de nouvelles versions de la Bible en toutes les langues modernes, et des versions purgées de toutes les négligences et infidélités qu’ils imputaient à la Vulgate. En effet, lorsque le concile voulut depuis faire réimprimer cette Vulgate, les six commissaires chargés de ce soin par le concile trouvèrent dans cette ancienne traduction huit mille fautes ; et les savants prétendent qu’il y en a bien davantage : de sorte que le concile se contenta de déclarer la Vulgate authentique, sans entreprendre cette correction. Luther traduisit, d’après l’hébreu, la Bible germanique ; mais on prétend qu’il savait peu d’hébreu, et que sa traduction est plus remplie de fautes que la Vulgate.

Les dominicains, avec les nonces du pape qui étaient en Allemagne, firent brûler les premiers écrits de Luther. Le pape donna une nouvelle bulle contre lui. Luther fit brûler la bulle du pape et les décrétales dans la place publique de Vittemberg. On voit par ce trait si c’était un homme hardi ; mais aussi on voit qu’il était déjà bien puissant. Dès lors une partie de l’Allemagne, fatiguée de la grandeur pontificale, était dans les intérêts du réformateur, sans trop examiner les questions de l’école.

Cependant ces questions se multipliaient. La dispute du libre arbitre, cet autre écueil de la raison humaine, mêlait sa source intarissable de querelles absurdes à ce torrent de haines théologiques. Luther nia le libre arbitre, que cependant ses sectateurs ont admis dans la suite. L’université de Louvain, celle de Paris, écrivirent : celle-ci suspendit l’examen de la dispute s’il y a eu trois Magdeleines, ou une seule Magdeleine, pour proscrire les dogmes de Luther.

Il demanda ensuite que les vœux monastiques fussent abolis, parce qu’ils ne sont pas de l’institution primitive ; que les prêtres pussent être mariés, parce que plusieurs apôtres l’étaient ; que l’on communiât avec du vin, parce que Jésus avait dit : Buvez-en tous[1] ; qu’on ne vénérât point les images, parce que Jésus n’avait point eu d’image : enfin il n’était d’accord avec l’Église romaine que sur la trinité, le baptême, l’incarnation, la résurrection,

  1. Matth., xxvi, 27.