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CONDUITE DE FRANÇOIS Ier

On a prétendu que le connétable de Montmorency fut disgracié par le roi pour lui avoir conseillé de se contenter de la promesse verbale de Charles-Quint : je rapporte ce petit événement, parce que, s’il est vrai, il fait connaître le cœur humain. Un homme qui n’a qu’à s’en prendre à lui-même d’avoir suivi un mauvais avis est souvent assez injuste pour en punir l’auteur. Mais on ne devait guère se repentir de n’avoir exigé de Charles-Quint que des paroles : une promesse par écrit n’eût pas été plus sûre.

François ler avait promis par écrit de céder la Bourgogne, et il s’était bien donné de garde de tenir sa parole : on ne cède guère à son ennemi une grande province sans y être forcé par les armes. L’empereur avoua depuis, publiquement, qu’il avait promis le Milanais à un fils du roi ; mais il soutint que c’était à condition que François ler évacuerait Turin, que François garda toujours.

La générosité avec laquelle le roi avait reçu l’empereur en France, tant de fêtes somptueuses, tant de témoignages de confiance et d’amitié réciproques, n’aboutirent donc qu’à de nouvelles guerres.

Pendant que Soliman ravage encore la Hongrie, pendant que Charles-Quint, pour mettre le comble à sa gloire, veut conquérir Alger comme il a subjugué Tunis, et qu’il échoue dans cette entreprise, François ler resserre les nœuds de son alliance avec Soliman. Il envoie deux ministres secrets à la Porte par la voie de Venise : ces deux ministres sont assassinés en chemin par l’ordre du marquis del Vasto, gouverneur du Milanais, sous prétexte qu’ils sont nés tous deux sujets de l’empereur. Le dernier duc de Milan, François Sforce, avait, quelques années auparavant, fait trancher la tête à un autre ministre du roi (1541). Comment accorder ces violations du droit des gens avec la générosité dont se piquaient alors les officiers de l’empereur, ainsi que ceux du roi ? La guerre recommence avec plus d’animosité que jamais vers le Piémont, vers les Pyrénées, en Picardie : c’est alors que les galères du roi se joignent à celles de Cheredin, surnommé Barberousse, amiral du sultan, et vice-roi d’Alger. Les fleurs de lis et le croissant sont devant Nice (1543). Les Français et les Turcs, sous le comte d’Enghien, de la branche de Bourbon, et sous l’amiral turc, ne peuvent prendre cette ville ; et Barberousse ramène la flotte turque à Toulon, dès que le célèbre André Doria s’avance au secours de la ville avec ses galères.

Barberousse était le maître absolu dans Toulon. Il y fit chan-