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ÉTAT DE L’EUROPE AU XVIe SIÈCLE.

chait aux anciens usages de leur Église : ils n’étaient catholiques que comme ils étaient barbares, par la naissance et par l’éducation. On en peut juger par une requête qu’ils lui présentèrent : ils demandèrent que le roi ne portât point d’habits découpés à la mode de France, et qu’on fit brûler tous les citoyens qui feraient gras le vendredi. C’était presque la seule chose à quoi ils distinguaient les catholiques des luthériens.

Le roi étouffa tous ces mouvements, établit avec adresse sa religion en conservant des évêques, et en diminuant leurs revenus et leur pouvoir. Les anciennes lois de l’État furent respectées (1544) ; il fit déclarer son fils Frédéric son successeur par les états, et même il obtint que la couronne resterait dans sa maison, à condition que, si sa race s’éteignait, les états rentreraient dans le droit d’élection ; que, s’il ne restait qu’une princesse, elle aurait une dot sans prétendre à la couronne.

Voilà dans quelle situation étaient les affaires du Nord du temps de Charles-Quint. Les mœurs de tous ces peuples étaient simples, mais dures : on n’en était que moins vertueux pour être plus ignorant. Les titres de comte, de marquis, de baron, de chevalier, et la plupart des symboles de la vanité, n’avaient point pénétré chez les Suédois, et peu chez les Danois ; mais aussi les inventions utiles y étaient ignorées. Ils n’avaient ni commerce réglé, ni manufactures. Ce fut Gustave Vasa qui, en tirant les Suédois de l’obscurité, anima aussi les Danois par son exemple.

La Hongrie se gouvernait entièrement comme la Pologne : elle élisait ses rois dans ses diètes. Le palatin de Hongrie avait la même autorité que le primat polonais, et de plus il était juge entre le roi et la nation. Telle avait été autrefois la puissance ou le droit du palatin de l’empire, du maire du palais de France, du justicier d’Aragon. On voit que, dans toutes les monarchies, l’autorité des rois commença toujours par être balancée : on voulut des monarques, mais jamais de despotes.

Les nobles avaient les mêmes privilèges qu’en Pologne, je veux dire d’être impunis, et de disposer de leurs serfs : la populace était esclave. La force de l’État était dans la cavalerie, composée de nobles et de leurs suivants ; l’infanterie était un ramas de paysans sans ordre, qui combattaient dans le temps qui suit les semailles, jusqu’à celui de la moisson.

On se souvient que vers l’an 1000 la Hongrie reçut le christianisme[1]. Le chef des Hongrois, Étienne, qui voulait être roi, se

  1. Chapitre xliii.