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CHAPITRE CXII.

pour déposséder les vassaux de la Navarre, comme il avait autrefois dépossédé les vassaux de l’empire et du saint-siége. Il fut tué les armes à la main. Sa mort fut glorieuse, et nous voyons dans le cours de cette histoire des souverains légitimes et des hommes vertueux périr par la main des bourreaux.

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CHAPITRE CXII.


Suite des affaires politiques de Louis XII.


Il eût été possible aux Français de reprendre Naples de même qu’ils avaient repris le Milanais. L’ambition du premier ministre de Louis XII fut cause que cet État fut perdu pour toujours. Le cardinal Chaumont d’Amboise, archevêque de Rouen, tant loué pour n’avoir eu qu’un seul bénéfice, mais à qui la France, qu’il gouvernait en maître, tenait au moins lieu d’un second, voulut en avoir un autre plus relevé. Il prétendit être pape après la mort d’Alexandre VI, et on eût été forcé de l’élire, s’il eût été aussi politique qu’ambitieux[1]. Il avait des trésors : les troupes qui devaient aller au royaume de Naples étaient aux portes de Rome ; mais les cardinaux italiens lui persuadèrent d’éloigner cette armée, afin que son élection en parût plus libre et en fût plus valide. Il l’écarta (1503), et alors le cardinal Julien de La Rovère fit élire Pie III, qui mourut au bout de vingt-sept jours. Ensuite ce cardinal Julien, qu’on appelle Jules II, fut pape lui-même. Cependant la saison pluvieuse empêcha les Français de passer assez tôt le Garillan, et favorisa Gonsalve de Cordoue. Ainsi le cardinal d’Amboise, qui pourtant passa pour un homme sage, perdit à la fois la tiare pour lui et Naples pour son roi.

  1. Il paraît que le cardinal avait de l’ambition et de l’avidité, et qu’il ne montra dans les affaires qu’une habileté très-médiocre. Mais comme il ne fut ni sanguinaire ni déprédateur, et surtout qu’il fut souvent trompé, il a laissé la réputation d’un homme vertueux : réputation facile à obtenir dans le siècle des Ferdinand et des Borgia.

    M. de Voltaire l’a trop loué dans la Henriade (chant VII) ; le dernier des quatre vers où il en parle est peut-être le seul qui soit rigoureusement vrai. Mais M. de Voltaire, encore très-jeune lorsqu’il fit la Henriade, parlait alors d’après l’opinion générale, et non d’après ses propres recherches sur l’histoire. (K.)