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DE BACCHUS.

vertu, dépouillé d’enthousiasme et de ces figures gigantesques que le bon sens désavoue.

Charondas, qui suivit Zaleucus, s’expliqua de même. Les Platon, les Cicéron, les divins Antonins, n’eurent point depuis d’autre langage. C’est ainsi que s’explique, en cent endroits, ce Julien, qui eut le malheur d’abandonner la religion chrétienne, mais qui fit tant d’honneur à la naturelle ; Julien, le scandale de notre Église et la gloire de l’empire romain.

« Il faut, dit-il, instruire les ignorants, et non les punir ; les plaindre, et non les haïr. Le devoir d’un empereur est d’imiter Dieu : l’imiter, c’est d’avoir le moins de besoins, et de faire le plus de bien qu’il est possible. » Que ceux donc qui insultent l’antiquité apprennent à la connaître ; qu’ils ne confondent pas les sages législateurs avec des conteurs de fables ; qu’ils sachent distinguer les lois des plus sages magistrats, et les usages ridicules des peuples ; qu’ils ne disent point : On inventa des cérémonies superstitieuses, on prodigua de faux oracles et de faux prodiges ; donc tous les magistrats de la Grèce et de Rome qui les toléraient étaient des aveugles trompés et des trompeurs ; c’est comme s’ils disaient : Il y a des bonzes à la Chine qui abusent la populace ; donc le sage Confucius était un misérable imposteur.

On doit, dans un siècle aussi éclairé que le nôtre, rougir de ces déclamations que l’ignorance a si souvent débitées contre des sages qu’il fallait imiter, et non calomnier. Ne sait-on pas que dans tous pays le vulgaire est imbécile, superstitieux, insensé ? N’y a-t-il pas eu des convulsionnaires dans la patrie du chancelier de L’Hospital, de Charron, de Montaigne, de La Motte-le-Vayer, de Descartes, de Bayle, de Fontenelle, de Montesquieu ? N’y a-t-il pas des méthodistes, des moraves, des millénaires, des fanatiques de toute espèce, dans le pays qui eut le bonheur de donner naissance au chancelier Bacon, à ces génies immortels, Newton et Locke, et à une foule de grands hommes ?

xxviii. — De Bacchus..

Excepté les fables visiblement allégoriques, comme celles des Muses, de Vénus, des Grâces, de l’Amour, de Zéphyre et de Flore, et quelques-unes de ce genre, toutes les autres sont un ramas de contes, qui n’ont d’autre mérite que d’avoir fourni de beaux vers à Ovide et à Quinault, et d’avoir exercé le pinceau de nos meilleurs peintres. Mais il en est une qui parait mériter l’attention de