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DE L’ESPAGNE AUX XIIe ET XIIIe SIÈCLES.

faire remettre en liberté. Il y avait des moments bien honorables pour la cour de Rome. (1214) Le pape ordonna à Simon de Montfort de rendre cet enfant aux Aragonais, et Montfort le rendit. Si les papes avaient toujours usé ainsi de leur autorité, ils eussent été les législateurs de l’Europe.

Ce même roi Jacques est le premier des rois d’Aragon à qui les états aient prêté serment de fidélité ; c’est lui qui prit sur les Maures l’île de Majorque ; (1238) c’est lui qui les chassa du beau royaume de Valence, pays favorisé de la nature, où elle forme des hommes robustes, et leur donne tout ce qui peut flatter leurs sens. Je ne sais comment tant d’historiens peuvent dire que la ville de Valence n’avait que mille pas de circuit, et qu’il en sortit plus de cinquante mille mahométans ; comment une si petite ville pouvait-elle contenir tant de monde ?

Ce temps semblait marqué pour la gloire de l’Espagne et pour l’expulsion des Maures. Le roi de Castille et de Léon, Ferdinand III, leur enlevait la célèbre ville de Cordoue, résidence de leurs premiers rois, ville fort supérieure à Valence, dans laquelle ils avaient fait bâtir une superbe mosquée et tant de beaux palais.

Ce Ferdinand, troisième du nom, asservit encore les musulmans de Murcie. C’est un petit pays, mais fertile, et dans lequel les Maures recueillaient beaucoup de soie, dont ils fabriquaient de belles étoffes. (1248) Enfin, après seize mois de siége, il se rendit maître de Séville, la plus opulente ville des Maures, qui ne retourna plus à leur domination. Sa mort mit fin à ses succès (1252). Si l’apothéose est due à ceux qui ont délivré leur patrie, l’Espagne révère avec autant de raison Ferdinand que la France invoque saint Louis. Il fit de sages lois comme ce roi de France ; il établit comme lui de nouvelles juridictions ; c’est à lui qu’on attribue le conseil royal de Castille, qui subsista toujours depuis lui.

(1252) Il eut pour ministre un Ximénès, archevêque de Tolède ; nom heureux pour l’Espagne, mais qui n’avait rien de commun avec cet autre Ximénès, qui, dans le temps suivant, a été régent de Castille.

La Castille et l’Aragon étaient alors des puissances ; mais il ne faut pas croire que leurs souverains fussent absolus : aucun ne l’était en Europe. Les seigneurs, en Espagne plus qu’ailleurs, resserraient l’autorité du roi dans des limites étroites. Les Aragonais se souviennent encore aujourd’hui de la formule de l’inauguration de leurs rois : le grand justicier du royaume prononçait ces paroles au nom des états : Nos que valemos tanto como vos, y