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DES BABYLONIENS DEVENUS PERSANS.

douze dieux secondaires, douze dieux médiateurs : chacun d’eux présidait à une de ces constellations, ainsi que nous l’apprend Diodore de Sicile, au livre II. Cette religion des anciens Chaldéens était le sabisme, c’est-à-dire l’adoration d’un Dieu suprême, et la vénération des astres et des intelligences célestes qui présidaient aux astres. Quand ils priaient, ils se tournaient vers l’étoile du nord, tant leur culte était lié à l’astronomie.

Vitruve, dans son neuvième livre, où il traite des cadrans solaires, des hauteurs du soleil, de la longueur des ombres, de la lumière, réfléchie par la lune, cite toujours les anciens Chaldéens, et non les Égyptiens. C’est, ce me semble, une preuve assez forte qu’on regardait la Chaldée, et non pas l’Égypte, comme le berceau de cette science, de sorte que rien n’est plus vrai que cet ancien proverbe latin :


Tradidit Ægyptis Babylon, Ægyptus Achivis.


xi. — Des Babyloniens devenus Persans.

À l’orient de Babylone étaient les Perses. Ceux-ci portèrent leurs armes et leur religion à Babylone, lorsque Koresh, que nous appelons Cyrus, prit cette ville avec le secours des Mèdes établis au nord de la Perse. Nous avons deux fables principales sur Cyrus : celle d’Hérodote, et celle de Xénophon, qui se contredisent en tout, et que mille écrivains ont copiées indifféremment.

Hérodote suppose un roi mède, c’est-à-dire un roi des pays voisins de l’Hyrcanie, qu’il appelle Astyage, d’un nom grec. Cet Hyrcanien Astyage commande de noyer son petit-fils Cyrus, au berceau, parce qu’il a vu en songe sa fille Mandane, mère de Cyrus, pisser si copieusement qu’elle inonda toute l’Asie. Le reste de l’aventure est à peu près dans ce goût ; c’est une histoire de Gargantua écrite sérieusement.

Xénophon fait de la vie de Cyrus un roman moral, à peu près semblable à notre Télémaque. Il commence par supposer, pour faire valoir l’éducation mâle et vigoureuse de son héros, que les Mèdes étaient des voluptueux, plongés dans la mollesse. Tous ces peuples voisins de l’Hyrcanie, que les Tartares, alors nommés Scythes, avaient ravagée pendant trente années, étaient-ils des sybarites ?

Tout ce qu’on peut assurer de Cyrus, c’est qu’il fut un grand conquérant, par conséquent un fléau de la terre. Le fond de son