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CHAPITRE LXIII.

commerçantes. Les statuts de saint Louis pour le commerce, une nouvelle police établie par lui dans Paris, sa pragmatique sanction qui assura la discipline de l’Église gallicane, ses quatre grands bailliages auxquels ressortissaient les jugements de ses vassaux, et qui sont l’origine du parlement de Paris, ses règlements et sa fidélité sur les monnaies, tout fait voir que la France aurait pu alors être florissante.

Quant à l’Angleterre, elle fut, sous Édouard Ier, aussi heureuse que les mœurs du temps pouvaient le permettre. Le pays de Galles lui fut réuni ; elle subjugua l’Écosse, qui reçut un roi de la main d’Édouard. Les Anglais à la vérité n’avaient plus la Normandie ni l’Anjou, mais ils possédaient toute la Guienne. Si Édouard Ier n’eut qu’une petite guerre passagère avec la France, il le faut attribuer aux embarras qu’il eut toujours chez lui, soit quand il soumit l’Écosse, soit quand il la perdit à la fin de son règne.

Nous donnerons un article particulier et plus étendu à l’Espagne, que nous avons laissée depuis longtemps en proie aux Sarrasins. Il reste ici à dire un mot de Rome.

La papauté fut, vers le xiiie siècle, dans le même état où elle était depuis si longtemps. Les papes, mal affermis dans Rome, n’ayant qu’une autorité chancelante en Italie, et à peine maîtres de quelques places dans le patrimoine de Saint-Pierre et dans l’Ombrie, donnaient toujours des royaumes, et jugeaient les rois.

En 1289 le pape Nicolas jugea solennellement à Rome les démêlés du roi de Portugal et de son clergé. Nous avons vu[1] qu’en 1283 le pape Martin IV déposa le roi d’Aragon, et donna ses États au roi de France, qui ne put mettre la bulle du pape à exécution. Boniface VIII donna la Sardaigne et la Corse à un autre roi d’Aragon, Jacques, surnommé le Juste.

Vers l’an 1300, lorsque la succession au royaume d’Écosse était contestée, le pape Boniface VIII ne manqua pas d’écrire au roi Édouard : « Vous devez savoir que c’est à nous à donner un roi à l’Écosse, qui a toujours de plein droit appartenu et appartient encore à l’Église romaine ; que si vous y prétendez avoir quelque droit, envoyez-nous vos procureurs, et nous vous rendrons justice ; car nous réservons cette affaire à nous. »

  1. Dès l’édition de 1756 Voltaire emploie cette expression. Cependant il n’a pas encore parlé de la déposition du roi d’Aragon par le pape Martin IV. Il n’en est pas mention non plus dans les Annales de l’Empire, publiées en 1753. Voyez, au reste, ci-après la fin du chapitre lxiv. (B.)