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DE L’EMPEREUR FRÉDÉRIC II.

qu’en l’éloignant, et en renvoyant faire la guerre dans la Terre Sainte[1]. Tel était le préjugé du temps que l’empereur fut obligé de se vouer à cette entreprise, de peur de n’être pas regardé par les peuples comme chrétien. Il fit le vœu par politique ; et par politique il différa le voyage.

Grégoire IX l’excommunie selon l’usage ordinaire. Frédéric part ; et tandis qu’il fait une croisade à Jérusalem, le pape en fait une contre lui dans Rome. Il revient, après avoir négocié avec les soudans, se battre contre le saint-siége. Il trouve dans le territoire de Capoue son propre beau-père, Jean de Brienne, roi titulaire de Jérusalem, à la tête des soldats du pontife, qui portaient le signe des deux clefs sur l’épaule. Les Gibelins de l’empereur portaient le signe de la croix ; et les croix mirent bientôt les clefs en fuite.

Il ne restait guère alors d’autre ressource à Grégoire IX que de soulever Henri, roi des Romains, fils de Frédéric II, contre son père, ainsi que Grégoire VII, Urbain II, et Paschal II, avaient armé les enfants de Henri IV. (1235) Mais Frédéric, plus heureux que Henri IV, se saisit de son fils rebelle, le dépose dans la célèbre diète de Mayence, et le condamne à une prison perpétuelle.

Il était plus aisé à Frédéric II de faire condamner son fils dans une diète d’Allemagne que d’obtenir de l’argent et des troupes de cette diète pour aller subjuguer l’Italie. Il eut toujours assez de forces pour l’ensanglanter, et jamais assez pour l’asservir. Les Guelfes, ces partisans de la papauté, et encore plus de la liberté, balancèrent toujours le pouvoir des Gibelins, partisans de l’empire.

La Sardaigne était encore un sujet de guerre entre l’empire et le sacerdoce, et par conséquent d’excommunications. (1238) L’empereur s’empara de presque toute l’île. Alors Grégoire IX accusa publiquement Frédéric II d’incrédulité. « Nous avons des preuves, dit-il dans sa lettre circulaire du 1er juillet 1239, qu’il dit publiquement que l’univers a été trompé par trois imposteurs, Moïse, Jésus-Christ, et Mahomet. Mais il place Jésus-Christ fort au-dessous des autres ; car il dit qu’ils ont vécu pleins de gloire, et que l’autre n’a été qu’un homme de la lie du peuple, qui prêchait à ses pareils. L’empereur, ajoute-t-il, soutient qu’un Dieu unique et créateur ne peut être né d’une femme, et surtout d’une vierge. » C’est sur cette lettre du pape Grégoire IX qu’on crut dès ce temps-là qu’il y avait un livre intitulé de Tribus Impos-

  1. Voyez le Chapitre LVI, Des Croisades. (Note de Voltaire.)