Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/428

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
408
CHAPITRE XLIX.

papale. L’élection d’un pape fut longtemps accompagnée d’une guerre civile. Les horreurs des successeurs de Néron jusqu’à Vespasien n’ensanglantèrent l’Italie que pendant quatre ans ; et la rage du pontificat ensanglanta l’Europe pendant deux siècles.

__________



CHAPITRE XLIX.


De l’empereur Henri VI, et de Rome.


La querelle de Rome et de l’empire, plus ou moins envenimée, subsistait toujours. On a écrit que Henri VI, fils de l’empereur Frédéric Barberousse, ayant reçu à genoux la couronne impériale de Célestin III, ce pape, âgé de plus de quatre-vingt-quatre ans, la fit tomber, d’un coup de pied, de la tête de l’empereur. Ce fait n’est pas vraisemblable ; mais c’est assez qu’on l’ait cru, pour faire voir jusqu’où l’animosité était poussée. Si le pape en eût usé ainsi, cette indécence n’eût été qu’un trait de faiblesse.

Ce couronnement de Henri VI présente un plus grand objet et de plus grands intérêts. Il voulait régner dans les Deux-Siciles. Il se soumettait, quoique empereur, à recevoir l’investiture du pape pour des États dont on avait fait d’abord hommage à l’empire, et dont il se croyait à la fois le suzerain, le propriétaire. Il demande à être le vassal lige du pape, et le pape le refuse. Les Romains ne voulaient point de Henri VI pour voisin ; Naples n’en voulait point pour maître ; mais il le fut malgré eux.

Il semble qu’il y ait des peuples faits pour servir toujours, et pour attendre quel sera l’étranger qui voudra les subjuguer. Il ne restait de la race légitime des conquérants normands que la princesse Constance[1], fille du roi Roger Ier, mariée à Henri VI. Tancrède, bâtard de cette race, avait été reconnu roi par le peuple et par le saint-siége. Qui devait l’emporter, ou ce Tancrède qui avait le droit de l’élection, ou Henri qui avait le droit de sa femme ? Les armes devaient décider. En vain, après la mort de

  1. Voyez, dans la Correspondance, la lettre à Burigny, du 24 février 1757.