Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/392

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
372
CHAPITRE XLIII.

Les Suisses et les Grisons, qui composaient un État quatre fois plus puissant que la Savoie, et qui était, comme elle, un démembrement de la Bourgogne, obéissaient aux baillis que les empereurs nommaient. Deux villes maritimes d’Italie commençaient à s’élever, non pas par ces invasions subites qui ont fait les droits de presque tous les princes qui ont passé sous nos yeux, mais par une industrie sage, qui dégénéra aussi bientôt en esprit de conquête. Ces deux villes étaient Gênes et Venise. Gênes, célèbre du temps des Romains, regardait Charlemagne comme son restaurateur. Cet empereur l’avait rebâtie quelque temps après que les Goths l’avaient détruite. Gouvernée par des comtes sous Charlemagne et ses premiers descendants, elle fut saccagée au xe siècle par les mahométans, et presque tous ses citoyens furent emmenés en servitude. Mais comme c’était un port commerçant, elle fut bientôt repeuplée. Le négoce, qui l’avait fait fleurir, servit à la rétablir. Elle devint alors une république. Elle prit l’île de Corse sur les Arabes qui s’en étaient emparés. Les papes exigèrent un tribut pour cette île, non-seulement parce qu’ils y avaient possédé autrefois des patrimoines, mais parce qu’ils se prétendaient suzerains de tous les royaumes conquis sur les infidèles. Les Génois payèrent ce tribut au commencement du xie siècle : mais bientôt après ils s’en affranchirent sous le pontificat de Lucius II. Enfin, leur ambition croissant avec leurs richesses, de marchands ils voulurent devenir conquérants.

La ville de Venise, bien moins ancienne que Gênes, affectait le frivole honneur d’une plus ancienne liberté, et jouissait de la gloire solide d’une puissance bien supérieure. Ce ne fut d’abord qu’une retraite de pêcheurs et de quelques fugitifs, qui s’y réfugièrent au commencement du ve siècle, quand les Huns et les Goths ravageaient l’Italie. Il n’y avait pour toute ville que des cabanes sur le Rialto. Le nom de Venise n’était point encore connu. Ce Rialto, bien loin d’être libre, fut pendant trente années une simple bourgade appartenante à la ville de Padoue, qui la gouvernait par des consuls. La vicissitude des choses a mis depuis Padoue sous le joug de Venise.

Il n’y a aucune preuve que sous les rois lombards Venise ait eu une liberté reconnue. Il est plus vraisemblable que ses habitants furent oubliés dans leurs marais.

Le Rialto et les petites îles voisines ne commencèrent qu’en 709 à se gouverner par leurs magistrats. Ils furent alors indépendants de Padoue, et se regardèrent comme une république.

C’est en 709 qu’ils eurent le premier doge, qui ne fut qu’un tri-