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DE L’ANGLETERRE VERS LE IXe SIÈCLE.

CHAPITRE XXVI.


De l’Angleterre vers le ixe siècle. Alfred le grand.


Les Anglais, ce peuple devenu puissant, célèbre par le commerce et par la guerre, gouverné par l’amour de ses propres lois et de la vraie liberté, qui consiste à n’obéir qu’aux lois, n’étaient rien alors de ce qu’ils sont aujourd’hui.

Ils n’étaient échappés du joug des Romains que pour tomber sous celui de ces Saxons qui, ayant conquis l’Angleterre vers le vie siècle, furent conquis au viiie par Charlemagne dans leur propre pays natal. (828) Ces usurpateurs partagèrent l’Angleterre en sept petits cantons malheureux, qu’on appela royaumes. Ces sept provinces s’étaient enfin réunies sous le roi Egbert, de la race saxonne, lorsque les Normands vinrent ravager l’Angleterre, aussi bien que la France. On prétend qu’en 852 ils remontèrent la Tamise avec trois cents voiles. Les Anglais ne se défendirent guère mieux que les Francs, Ils payèrent comme eux leurs vainqueurs. Un roi, nommé Éthelbert, suivit le malheureux exemple de Charles le Chauve : il donna de l’argent ; la même faute eut la même punition. Les pirates se servirent de cet argent pour mieux subjuguer le pays. Ils conquirent la moitié de l’Angleterre. Il fallait que les Anglais, nés courageux, et défendus par leur situation, eussent dans leur gouvernement des vices bien essentiels, puisqu’ils furent toujours assujettis par des peuples qui ne devaient pas aborder impunément chez eux. Ce qu’on raconte des horribles dévastations qui désolèrent cette île surpasse encore ce qu’on vient de voir en France. Il y a des temps où la terre entière n’est qu’un théâtre de carnage, et ces temps sont trop fréquents.

Le lecteur respire enfin un peu lorsque, dans ces horreurs, il voit s’élever quelque grand homme qui tire sa patrie de la servitude, et qui la gouverne en bon roi.

Je ne sais s’il y a jamais eu sur la terre un homme plus digne des respects de la postérité qu’Alfred le Grand, qui rendit ces services à sa patrie, supposé que tout ce qu’on raconte de lui soit véritable.

(872) Il succédait à son frère Éthelred ier, qui ne lui laissa qu’un droit contesté sur l’Angleterre, partagée plus que jamais en souverainetés, dont plusieurs étaient possédées par les Danois. De