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SUITE DES USAGES DU TEMPS DE CHARLEMAGNE.

princes, mes enfants, il naît un fils tel que la nation le veuille pour succéder à son père, nous voulons que ses oncles y consentent. » Il est évident, par ce titre et par plusieurs autres, que la nation des Francs eut, du moins en apparence, le droit d’élection. Cet usage a été d’abord celui de tous les peuples, dans toutes les religions, et dans tous les pays. On le voit s’établir chez les Juifs, chez les autres Asiatiques, chez les Romains, Les premiers successeurs de Mahomet sont élus ; les soudans d’Égypte, les premiers miramolins, ne règnent que par ce droit ; et ce n’est qu’avec le temps qu’un État devient purement héréditaire. Le courage, l’habileté, et le besoin, font toutes les lois.

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CHAPITRE XIX.


Suite des usages du temps de Charlemagne. Commerce,
finances, sciences.


Charles Martel, usurpateur et soutien du pouvoir suprême dans une grande monarchie, vainqueur des conquérants arabes, qu’il repoussa jusqu’en Gascogne, n’est cependant appelé que sous-roitelet, subregulus, par le pape Grégoire II, qui implore sa protection contre les rois lombards. Il se dispose à aller secourir l’Église romaine ; mais il pille en attendant l’Église des Francs, il donne les biens des couvents à ses capitaines, il tient son roi Thierri en captivité. Pepin, fils de Charles Martel, lassé d’être subregulus, se fait roi, et reprend l’usage des parlements francs. Il a toujours des troupes aguerries sous le drapeau ; et c’est à cet établissement que Charlemagne doit toutes ses conquêtes. Ces troupes se levaient par des ducs, gouverneurs des provinces, comme elles se lèvent aujourd’hui chez les Turcs par les béglier-beys. Ces ducs avaient été institués en Italie par Dioclétien. Les comtes, dont l’origine me paraît du temps de Théodose, commandaient sous les ducs, et assemblaient les troupes, chacun dans son canton. Les métairies, les bourgs, les villages, fournissaient un nombre de soldats proportionné à leurs forces. Douze métairies donnaient un cavalier armé d’un casque et d’une cuirasse ; les autres soldats n’en portaient point : mais tous avaient le bouclier carré long, la hache d’armes, le javelot, et l’épée. Ceux qui