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DES DIFFÉRENTES RACES D’HOMMES.

vaudrait autant croire que des milliers de femmes sont venues déposer leurs conchas Veneris sur un rivage, que de croire que des milliers de chiens marins y sont venus apporter leurs langues. On a osé dire que les mers sans reflux, et les mers dont le reflux est de sept ou huit pieds, ont formé des montagnes de quatre à cinq cents toises de haut ; que tout le globe a été brûlé ; qu’il est devenu une boule de verre : ces imaginations déshonorent la physique ; une telle charlatanerie est indigne de l’histoire.

Gardons-nous de mêler le douteux au certain, et le chimérique avec le vrai ; nous avons assez de preuves des grandes révolutions du globe, sans en aller chercher de nouvelles.

La plus grande de toutes ces révolutions serait la perte de la terre atlantique, s’il était vrai que cette partie du monde eût existé. Il est vraisemblable que cette terre n’était autre chose que l’île de Madère, découverte peut-être par les Phéniciens, les plus hardis navigateurs de l’antiquité, oubliée ensuite, et enfin retrouvée au commencement du quinzième siècle de notre ère vulgaire.

Enfin il paraît évident, par les échancrures de toutes les terres que l’Océan baigne, par ces golfes que les irruptions de la mer ont formés, par ces archipels semés au milieu des eaux, que les deux hémisphères ont perdu plus de deux mille lieues de terrain d’un côté, et qu’ils l’ont regagné de l’autre ; mais la mer ne peut avoir été pendant des siècles sur les Alpes et sur les Pyrénées : une telle idée choque toutes les lois de la gravitation et de l’hydrostatique.

ii. — DES DIFFÉRENTES RACES D’HOMMES.

Ce qui est plus intéressant pour nous, c’est la différence sensible des espèces d’hommes qui peuplent les quatre parties connues de notre monde.

Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les Blancs, les Nègres, les Albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Américains, soient des races entièrement différentes.

Il n’y a point de voyageur instruit qui, en passant par Leyde, n’ait vu la partie du reticulum mucosum d’un Nègre disséqué par le célèbre Ruysch. Tout le reste de cette membrane fut transporté par Pierre le Grand dans le cabinet des raretés, à Pétersbourg. Cette membrane est noire ; et c’est elle qui communique aux Nègres cette noirceur inhérente qu’ils ne perdent que dans les maladies