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DE L’ALCORAN, ET DE LA LOI MUSULMANE.

voyages de Mahomet, et dans ses expéditions militaires. Avait-il toujours ce moine avec lui ? On a cru encore, sur un passage équivoque de ce livre, que Mahomet ne savait ni lire ni écrire. Comment un homme qui avait fait le commerce vingt années, un poëte, un médecin, un législateur, aurait-il ignoré ce que les moindres enfants de sa tribu apprenaient ?

Le Koran, que je nomme ici Alcoran, pour me conformer à notre vicieux usage, veut dire le livre ou la lecture. Ce n’est point un livre historique dans lequel on ait voulu imiter les livres des Hébreux et nos Évangiles ; ce n’est pas non plus un livre purement de lois, comme le Lévitique ou le Deutéronome, ni un recueil de psaumes et de cantiques, ni une vision prophétique et allégorique dans le goût de l’Apocalypse ; c’est un mélange de tous ces divers genres, un assemblage de sermons dans lesquels on trouve quelques faits, quelques visions, des révélations, des lois religieuses et civiles.

Le Koran est devenu le code de la jurisprudence, ainsi que la loi canonique, chez toutes les nations mahométanes. Tous les interprètes de ce livre conviennent que sa morale est contenue dans ces paroles : « Recherchez qui vous chasse ; donnez à qui vous ôte ; pardonnez à qui vous offense ; faites du bien à tous ; ne contestez point avec les ignorants. »

Il aurait dû bien plutôt recommander de ne point disputer avec les savants ; mais dans cette partie du monde, on ne se doutait pas qu’il y eût ailleurs de la science et des lumières.

Parmi les déclamations incohérentes dont ce livre est rempli, selon le goût oriental, on ne laisse pas de trouver des morceaux qui peuvent paraître sublimes. Mahomet, par exemple, parlant de la cessation du déluge, s’exprime ainsi : « Dieu dit : Terre, engloutis tes eaux ; ciel, puise les ondes que tu as versées : le ciel et la terre obéirent. »

Sa définition de Dieu est d’un genre plus véritablement sublime. On lui demandait quel était cet Alla qu’il annonçait : « C’est celui, répondit-il, qui tient l’être de soi-même, et de qui les autres le tiennent ; qui n’engendre point et qui n’est point engendré, et à qui rien n’est semblable dans toute l’étendue des êtres. » Cette fameuse réponse, consacrée dans tout l’Orient, se trouve presque mot à mot dans l’antépénultième chapitre du Koran.

Il est vrai que les contradictions, les absurdités, les anachronismes, sont répandus en foule dans ce livre. On y voit surtout une ignorance profonde de la physique la plus simple et la plus