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CHAPITRE I.

De la Chine, de son antiquité, de ses forces, de ses lois, de ses usages, et de ses sciences.

L’empire de la Chine dès lors était plus vaste que celui de Charlemagne, surtout en y comprenant la Corée et le Tunquin, provinces alors tributaires des Chinois. Environ trente degrés en longitude et vingt-quatre en latitude forment son étendue. Nous avons remarqué[1] que le corps de cet État subsiste avec splendeur depuis plus de quatre mille ans, sans que les lois, les mœurs, le langage, la manière même de s’habiller, aient souffert d’altération sensible.

Son histoire, incontestable dans les choses générales, la seule qui soit fondée sur des observations célestes, remonte, par la chronologie la plus sûre, jusqu’à une éclipse observée deux mille cent cinquante-cinq ans avant notre ère vulgaire, et vérifiée par les mathématiciens missionnaires qui, envoyés dans les derniers siècles chez cette nation inconnue, l’ont admirée et l’ont instruite. Le P. Gaubil a examiné une suite de trente-six éclipses de soleil, rapportées dans les livres de Confutzée ; et il n’en a trouvé que deux fausses et deux douteuses. Les douteuses sont celles qui en effet sont arrivées, mais qui n’ont pu être observées du lieu où l’on suppose l’observateur ; et cela même prouve qu’alors les astronomes chinois calculaient les éclipses, puisqu’ils se trompèrent dans deux calculs.

Il est vrai qu’Alexandre avait envoyé de Babylone en Grèce les observations des Chaldéens, qui remontaient un peu plus haut que les observations chinoises, et c’est sans contredit le plus beau monument de l’antiquité ; mais ces éphémérides de Babylone n’étaient point liées à l’histoire des faits : les Chinois, au contraire, ont joint l’histoire du ciel à celle de la terre, et ont ainsi justifié l’une par l’autre.

Deux cent trente ans au delà du jour de l’éclipse dont on a parlé, leur chronologie atteint sans interruption, et par des

  1. Introduction, paragraphe xviii.