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D’UN MENSONGE DE FLAVIEN JOSÈPHE.

Josèphe sentait bien que tout ce qu’il écrivait révolterait des auteurs profanes ; il dit en plusieurs endroits : Le lecteur en jugera comme il voudra. Il craint d’effaroucher les esprits ; il diminue, autant qu’il le peut, la foi qu’on doit aux miracles. On voit à tout moment qu’il est honteux d’être Juif, lors même qu’il s’efforce de rendre sa nation recommandable à ses vainqueurs. Il faut sans doute pardonner aux Romains, qui n’avaient que le sens commun, qui n’avaient pas encore la foi, de n’avoir regardé l’historien Josèphe que comme un misérable transfuge qui leur contait des fables ridicules pour tirer quelque argent de ses maîtres. Bénissons Dieu, nous qui avons le bonheur d’être plus éclairés que les Titus, les Trajan, les Antonin, et que tout le sénat et les chevaliers romains nos maîtres ; nous qui, éclairés par des lumières supérieures, pouvons discerner les fables absurdes de Josèphe, et les sublimes vérités que la sainte Écriture nous annonce.


xlvi. — D’un mensonge de Flavien Josèphe, concernant Alexandre et les Juifs.

Lorsque Alexandre, élu par tous les Grecs, comme son père, et comme autrefois Agamemnon, pour aller venger la Grèce des injures de l’Asie, eut remporté la victoire d’Issus, il s’empara de la Syrie, l’une des provinces de Darah ou Darius ; il voulait s’assurer de l’Égypte avant de passer l’Euphrate et le Tigre, et ôter à Darius tous les ports qui pourraient lui fournir des flottes. Dans ce dessein, qui était celui d’un très-grand capitaine, il fallut assiéger Tyr. Cette ville était sous la protection des rois de Perse, et souveraine de la mer ; Alexandre la prit après un siége opiniâtre de sept mois, et y employa autant d’art que de courage ; la digue qu’il osa faire sur la mer est encore aujourd’hui regardée comme le modèle que doivent suivre tous les généraux dans de pareilles entreprises. C’est en imitant Alexandre que le duc de Parme prit Anvers, et le cardinal de Richelieu, la Rochelle (s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes). Rollin, à la vérité, dit qu’Alexandre ne prit Tyr que parce qu’elle s’était moquée des Juifs, et que Dieu voulut venger l’honneur de son peuple ; mais Alexandre pouvait avoir encore d’autres raisons : il fallait, après avoir soumis Tyr, ne pas perdre un moment pour s’emparer du port de Péluse. Ainsi Alexandre ayant fait une marche forcée pour surprendre Gaza, il alla de Gaza à