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Linguet fond en courroux sur les économistes[1] ;
À brûler les païens Ribalier se morfond[2] ;
Beaumont pousse à Jean-Jacque, et Jean-Jacque à Beaumont[3] :

    quelque temps. C’est ce même Hayer qui s’avisa un jour de faire imprimer dans une brochure trente-sept démonstrations de la spiritualité de l’âme. (K.)

    — L’ouvrage de Hayer est intitulé la Religion vengée, etc., et a 21 volumes in-12. Les Lettres sur quelques écrits de ce temps, 1752-54, 13 volumes in-12, sont de Fréron et de l’abbé de Laporte. Le Journal chrétien avait pour rédacteurs Dinouart, Jouannet, et Trublet. ( B.)

  1. Les économistes sont une société qui a donné d’excellents morceaux sur l’agriculture, sur l’économie champêtre, et sur plusieurs objets qui intéressent le genre humain. M. Linguet est un avocat de beaucoup d’esprit, auteur de plusieurs ouvrages dans lesquels on a trouvé des vues philosophiques et des paradoxes. Il a eu des querelles assez vives avec les économistes auteurs des Éphémérides du citoyen, et s’est tiré avec un succès plus brillant de celles que l’abbé La Bletterie lui a suscitées. (Note de Voltaire, 1771.)
  2. Ceci est une allusion visible à la grande querelle de M. Ribalier, principal du collège Mazarin, avec M. Marmontel, de l’Académie française, auteur du célèbre ouvrage moral intitulé Bélisaire. Il s’agissait de savoir si tous les grands hommes de l’antiquité qui avaient pratiqué la justice et les bonnes œuvres, sans pouvoir connaître notre sainte religion, étaient plongés dans un gouffre de flammes éternelles. L’académicien soupçonnait que le père de tous les hommes, en mettant la vertu dans leurs cœurs, leur avait fait miséricorde. Le principal du collège, membre de la Sorbonne, affirmait qu’ils étaient en enfer, comme ayant invinciblement ignoré la science du salut.

    L’Europe fut pour M. Marmontel, et la Sorbonne pour M. Ribalier. M. de Beaumont, archevêque de Paris, prit aussi le parti de la faculté. Ce procédé déplut beaucoup à l’empereur Kien-Long, qui en fut informé par le P. Amyot, l’un des jésuites conservés à la Chine pour leur savoir et pour leurs services ; mais ce n’est pas le seul roi qui a eu de petits démêlés avec M. de Beaumont. L’empereur Kien-Long n’en gouverna pas moins bien ses États, et continua à faire des vers. (Id., 1771.)

  3. Jean-Jacques Rousseau, natif de la ville de Genève, était un original qui avait voulu à toute force qu’on parlât de lui. Pour y parvenir, il composa des romans, et écrivit contre les romans ; il fit des comédies, et publia que la comédie est une œuvre du malin. Jean-Jacques, dans ses livres, disait : Ô mon ami ! avec effusion de cœur, et se brouillait avec tous ses amis. Jean-Jacques s’écriait dans les préfaces de ses brochures : Ô ma patrie ! ma chère patrie ! et il renonçait à sa patrie. Il écrivait de gros livres en faveur de la liberté, et il présentait requête au conseil de Berne pour le prier de le faire enfermer, afin d’avoir ses coudées franches. Il écrivait que les prédicants de Genève étaient orthodoxes, et puis il écrivait que ces prédicants étaient des fripons et des hérétiques. Ô mon cher pasteur de Boveresse ! a bovibus, s’écriait-il encore dans ses brochures, que je vous aime, et que vous êtes un pasteur selon le cœur de Dieu et selon le mien ! et que vous m’avez fait verser de larmes de joie ! Mais le lendemain il imprimait que le pasteur de Boveresse était un coquin qui avait voulu le faire lapider par tous les petits garçons du village.

    De là Jean-Jacques, vêtu en Arménien, s’en allait en Angleterre avec un ami intime qu’il n’avait jamais vu ; et comme la nation anglaise faisait usage de sa liberté en se moquant outrageusement de lui, il imprima que son ami intime, qui lui rendait des services inouïs, était le cœur le plus noir et le plus perfide qu’il y eût dans les trois royaumes.


    M. de Beaumont, archevêque de Paris, qui était d’un caractère tout différent, et